MARQUE NATION – Le Maroc est en train de renforcer son capital immatériel avec une nouvelle composante, qui pourra devenir dans le futur une pièce maîtresse dans la mise en place de sa stratégie « Nation Branding ».
Les nouveaux projets structurants en énergies renouvelables deviennent un élément clé dans le positionnement régional et international du Maroc, non seulement en relation avec la baisse de la dépendance aux énergies classiques, mais aussi au niveau de l’image et la réputation que le pays commence à se forger dans ce domaine à l’échelle régionale et internationale.
Dans le même sens, l’organisation du Maroc de la COP22 en fin de cette année mettra le pays sous les feux des projecteurs et en fera une plateforme mondiale pour la protection de l’environnement.
Pourquoi le « Nation Branding » ?
Pendant la dernière décennie, l’État marocain a initié plus d’une douzaine de stratégies sectorielles, de l’agriculture au tourisme, de l’artisanat aux investissements… Des stratégies pilotées par différents organismes et institutions publiques et dont la composante de promotion du « Label Maroc » est toujours présente. Pour ce faire, les départements publics investissent un budget important dans les études, les campagnes de communication, l’organisation et la participation dans des salons dans le monde.
Ces initiatives, souvent pilotées en mode silos, engendrent un manque à gagner considérable pour l’État marocain. Qualitativement, puisque l’absence de coordination entre les différents projets promotionnels aboutis fatalement à une faible cohérence dans le message, qui se dilue face à une audience avertie, puis quantitativement, si ce n’est qu’au niveau de l’optimisation des ressources humaines et financières, la planification des évènements et le pouvoir de négociation face aux médias et aux organisateurs des manifestations internationales.
Le Maroc est un pays qui devient de plus en plus conscient de son potentiel et de ses avantages compétitifs dans une région à forte instabilité. L’usage de ces « soft powers » dans le cadre d’une stratégie transversale « Nation Branding » – à la différence des campagnes de communication ponctuelles – est ainsi nécessaire pour renforcer une image fragilisée par un ensemble d’opinion et de stéréotypes que le pays a largement dépassés dans les faits.
Quand le « Nation Branding » devient une priorité de l’État
Nombreux sont les pays qui ont franchi le cap pour adopter ce concept de valorisation des atouts de leur capital matériel et immatériel, notamment pendant ou suite à une période de transformation ou de mutation profonde. Alors que les objectifs sont les mêmes, chaque pays a opté pour un mode de gouvernance différent.
L’Espagne, par exemple, a opté pour la création d’un Haut-Commissariat, sous le nom de « Marca España » et ce par décret royal. Le Haut-Commissaire est chargé de la planification, de l’encouragement et de la gestion coordonnée des activités menées par tous les organismes publics (dont les Gouvernements régionaux) et privés (dont les groupements d’entreprises locales et multinationales) qui cherchent à promouvoir une image plus forte de l’Espagne.
Dans notre continent, l’Afrique du Sud a mis en place une agence sous le nom « Brand South Africa » sous la tutelle du ministère de la Communication et dont le tour de table est composé d’intervenants publics et privés. Cette agence a comme prérogatives la sensibilisation à l’échelle internationale de tout ce que l’Afrique du Sud a à offrir aux investisseurs, la gestion des missions opérationnelles à l’étranger, la promotion de l’investissement et de l’exportation des industries, la mobilisation de personnalités sud-africaines influentes ainsi que les membres des médias à l’étranger, et enfin, la stimulation de la fierté locale et le patriotisme.
La Turquie, quant à elle, a mis en place dès l’arrivée de Tayyip Erdogan à la Primature, une commission interministérielle rattachée au Premier ministre, dont la mission principale est la coordination de toutes les initiatives visant la promotion de la Turquie. Les piliers de cette commission sont le sous-secrétariat au commerce, le conseil des relations économiques extérieures, l’agence turque de coopération (TIKA), la fondation de la recherche politique, économique et sociale et l’office turc de tourisme.
Ces trois pays ont considérablement grimpé dans le classement « Brand Finance » qui valorise le Top 100 des marques pays dans le monde. Ce tableau résume l’évolution sur les 4 dernières années :
La gouvernance… le point critique !
Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a émis en 2014, dans le cadre d’une consultation auto-saisine, sa recommandation pour la création d’une Fondation « Image du Maroc », dont la mission serait la coordination des initiatives de communication, menées jusqu’à aujourd’hui par les différents départements publics.
Alors que l’idée semblerait être la plus adéquate pour accélérer la convergence des stratégies promotionnelles du pays, elle pourrait susciter de la résistance de la part des entités existantes qui gèrent aujourd’hui des budgets promotionnels importants.
Or, le mode de gouvernance n’est qu’un maillon dans la chaîne de mise en place du « Nation Branding ». Avant d’arriver au modèle adéquat, des travaux approfondis d’évaluation doivent être menés : état des lieux des stratégies promotionnelles actuelles, bilan d’image, études de perceptions du Maroc à l’échelle nationale et internationale… La gouvernance qui régira l’implémentation de la stratégie en découlera naturellement.
L’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) a initié récemment une étude qui a tenté d’évaluer la réputation du Maroc dans le monde. L’objectif de ce travail, commandé à un cabinet américain spécialisé, est d’analyser la réputation du Maroc pour ressortir les forces et les insuffisances, ainsi que les leviers qui pourraient constituer des opportunités de communication sur l’image du royaume à l’international.
Alors que ces initiatives restent louables pour construire les bases du « Nation Branding », elles restent toutefois de « bonnes intentions » tant qu’elles ne convergent pas vers une politique d’état coordonnée pour servir la stratégie d’image du Maroc.
« Nation Branding » Daba !
Comme tous les projets stratégiques et structurants, la mise en place du « Nation Branding » ne peut être initiée et cautionnée que par une haute autorité de l’État. Cela donnera l’impulsion nécessaire pour l’implémentation de stratégies coordonnées par les différents intervenants, avec un retour sur investissement positif – avec effet immédiat – au niveau de :
- La cohérence dans la vision, le discours et l’image utilisés par tous les promoteurs du Maroc, les VRP, les lobbyistes et les agences ;
- L’optimisation des ressources humaines et financières qui pourront être redéployées de manière plus efficace et productive ;
- La proactivité dans la construction de l’image du Maroc pour résister aux éventuels incidents politiques, économiques ou sociétaux, surtout avec la montée en puissance des réseaux sociaux comme vecteur d’influence et de construction/destruction d’image.
Les différentes mutations que connaît le Maroc aujourd’hui constituent non seulement une opportunité pour réaliser son aspiration à intégrer le club des pays émergents, mais aussi une occasion pour transformer son image en toute cohérence avec ses réalisations politiques, économiques et sociales et son nouveau positionnement dans le monde arabe et en Afrique.