Le programmatique « C’est comme le sexe chez les ados, tout le monde en parle, tout le monde dit l’avoir déjà fait, mais personne ne sait vraiment ce que c’est » lit-on sur les internets. Cette tendance IT de la publicité digitale peut être expliquée en toute simplicité : les éditeurs web mettent à disposition leurs inventaires (offre) tandis que les annonceurs piochent et y lancent leurs campagnes (demande). Ainsi, des DSP (Demande Side Platform) d’annonceurs communiquent avec des SSP (Supply Side Platform) d’éditeurs ou groupe d’éditeurs pour lancer des campagnes.
Vu sous cet angle, il s’agit ni plus ni moins que de RTB (Real Time Bidding) inventé par Google et symbolisé par un Adexchange central, mais le programmatique s’intéresse à un spectre plus large, multi canal, globalisé et remontant la filière de toutes les procédures marketing en s’appuyant sur la sacro-sainte Data.
Aujourd’hui considéré comme un revenu complémentaire au Maroc largement en deçà des budgets display ou native « classique », le programmatique reste marginal, ou sous exploité. Des grands portails du marché sont familiers avec cette pratique, d’autre la découvre encore. On retrouve des sociétés comme Orbit Interactive œuvrant dans le programmatique à Casablanca, mais pour le compte du groupe français SoLocal. Ce n’est que de l’Outsourcing. Seul Adlive d’Hammad Benjelloun a réellement tenté l’expérience du « market place » digital à la marocaine.
Les acteurs se trouvent donc à l’étranger, Londres, Paris, Dubaï… En France c’est officiel d’après le SRI (Syndicat des Régie Internet) et l’Udecam, le programmatique représente 50% de l’achat display au 1er semestre 2016. Comment en est-on arrivé là ? Le métier de commercial publicitaire sera-t-il bientôt remplacé par des algorithmes ?
(Tweet SRI) :
Synthèse des leviers de croissance du Display S1 2016 #Obsepub @Udecam @PwC_France pic.twitter.com/nZN6XqvatH
— SRI (@SRI_France) July 12, 2016
Pour éviter de tomber dans le fantasme post moderne, nous sommes allez à la rencontre d’un des plus gros acteurs programmatique français en la personne d’Aurélie Irurzun, Directrice Générale d’Affiperf, entité programmatique du géant Havas Média.
Comment Havas Media Group a-t-il mis la data au cœur de son organisation ?
La data est centrale pour Affiperf, et nous travaillons énormément avec CSA Data Consulting, entité du Groupe dédiée à l’analyse et à l’activation de la data au bénéfice des stratégies média-marketing, pour lancer des projets autours de la data, tel que le jeu des 7 familles. Nous avons défini et créé 7 grands groupes de consommateurs afin d’aider les marques à mieux cibler leurs campagnes marketing en programmatique (Inno Lovers, First Jobs, Digital Seniors, Petits Pros, Mass Affluents, Movers et Smart Shoppers).
Nous travaillons à la fois avec la data des publishers et les data providers. Nous pensons qu’il est important de réaliser des tests de performance en fil rouge pour identifier les meilleures performances sur les segments les plus utilisés par les annonceurs et aller plus loin dans les « learnings ».
Comment se positionne Affiperf parmi les acteurs du marché programmatique ?
Affiperf est le pure player programmatique du Groupe Havas. Nous accompagnons nos clients sur l’ensemble de leurs campagnes, vidéos, display et ce quels que soient leurs objectifs (branding, trafic et performance).
En septembre 2014, nous avons lancé le tout premier Meta-DSP du marché, développé par des scientifiques et des mathématiciens de MFG Labs, et nous l’utilisons pour évaluer chaque campagne par 4 piliers fondamentaux — data, algorithmes, inventaires et contenus — pour appliquer le meilleur inventaire à travers plusieurs DSP. En effet, le Meta-DSP, fruit de trois ans d’études conduites par les chercheurs de MFG Labs, offre pour la première fois la possibilité d’unifier et de rendre cohérents des ensembles de données situés sur diverses plateformes. Via un système d’API, il connecte plusieurs sources de données, c’est-à-dire l’inventaire des données, les caractéristiques et les algorithmes émanant de diverses DSP. Il utilise ensuite des moteurs de décision et de modélisation pour permettre aux traders de recommander des options stratégiques plus larges et plus sophistiquées et en assurer le contrôle.
Enfin, vue l’évolution du marché, nous avons énormément développé l’inventaire sur la vidéo depuis plus de deux ans, pour répondre aux attentes clients, notamment sur la « catch up » où nous avons l’inventaire le plus important du marché.
L’ensemble de ces éléments a certainement contribué à nous faire gagner une place dans le ranking 2015 en programmatique du SRI.
Comment les annonceurs ont-ils intégré le programmatique ?
Comme les chiffres SRI le montrent, le programmatique a une part de plus en plus importante dans les budgets media français (40%des investissements display en 2015). Au vu de ces investissements, les annonceurs sont devenus très matures sur le programmatique et afin de mieux cibler leurs campagnes, ils se dotent de DMP (Data Management Platform). Par conséquent, nous travaillons énormément avec le « first party data » pour leurs campagnes de branding et de performance.
Et du côté des éditeurs ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ?
Les éditeurs ont tous qualifié leurs audiences via des DMP, et pour les plus gros, ils ont créé leur propre adexchange. Ils commercialisent donc leur inventaire en programmatique de gré à gré et le font quel que soit le canal.
A date, le programmatique s’active sur le publishing et la vidéo en multi-devices. Nous avons beaucoup de campagnes audio également. Notre objectif est de développer l’inventaire qualitatif pour répondre aux attentes clients et ainsi créer une offre puissante, complète et qui couvre tous les médias.
Quel est l’impact de l’automatisation des procédures marketing sur les ressources humaines ?
L’enjeu pour nous est de faire travailler les différents acteurs ensemble (développeurs tels que MFG Labs, les traders, les chargés média, les publishers, les acteurs data) pour développer des dispositifs innovants répondant aux objectifs des clients. Pour cela, les ressources humaines initient et créent énormément de projets internes tels que les formations programmatiques, des challenges, des groupes de travail …
Quelles seraient les limites de la rationalisation et de l’automatisation des investissements ?
Le programmatique est certes automatique mais beaucoup d’interventions restent humaines (choix des DSP, négociation des inventaires, programmation des PMP…). Nous sommes donc bien loin encore de la rationalisation et de l’automatisation, pour nous la fonction de traders est clé, même si l’algorithme est un élément essentiel dans la performance des campagnes. La preuve, nous utilisons le Meta-DSP développé par MFG Labs pour pouvoir bénéficier des atouts de chaque DSP marché et, par la même, tous les Adexchanges.
Quelques mois après son lancement, quel accueil sur le marché pour « La Française de Programmatique » ?
La Française de programmatique répond aux attentes des annonceurs: avoir un inventaire premium et de qualité sur des critères de visibilité, et beaucoup d’annonceurs sont intéressés par cette offre. En revanche, le programmatique tout comme les autres leviers, est challengé sur les coûts obtenus pour respecter les objectifs de productivité quantitatifs des annonceurs. Il y a donc un accompagnement à faire des cabinets d’audit pour valoriser ces inventaires qui ne peuvent pas être comparés à des prix en open.