Philippe Borremans est responsable de la stratégie de PR Media et développe de nouvelles façons de travailler ainsi que de nouveaux produits et services comme notamment les podcasts d’entreprises, le storytelling, la communication de crise, ou encore le media training… Il est un professionnel de la communication d’entreprise avec plus de 20 ans d’expérience dans la communication interne et externe, la communication de crise, la gestion de la réputation et les relations avec les médias. Il a débuté chez Porter Novelli en tant que consultant en relations publiques à Bruxelles, avant de rejoindre IBM au poste de responsable des relations publiques pour le pays et la zone EMEA comme coordinateur des « nouveaux médias » pendant 10 ans. Il a par la suite été nommé directeur des médias sociaux pour le groupe international Van Marcke Trading. Philippe est par ailleurs un coach certifié (CEVORA) et enseigne la communication stratégique et le marketing à l’ISCAE, l’Université Internationale de Casablanca et l’Académie Royale Militaire de Belgique. Avec un parcours et une carrière pareils, TRN ne pouvait pas passer à côté ! Nous n’avons donc pas pu résister et nous lui avons posé mille et une questions à propos de la communication d’entreprise et de ses mutations. Voici, pour vous, l’essentiel de nos échanges.
Vous êtes un globe trotter des relations publiques et de la communication corporate. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous rappeler votre parcours professionnel ?
J’ai été formé en Belgique au début des années 90, un temps ou les relations publiques étaient encore fortement influencées par les métiers de journalisme et avec un fort penchant anglo saxon. Je me souviens qu’on était fier dans notre école que nous « on faisait des vraies RP » ; une fonction corporate et de business « sérieuse », et non pas celle de copywriter ou de créatif. Les autres écoles avaient une forte dose de cours journalistiques ou de créa plutôt pub. Le monde et la profession ont changé entre temps !
Après les études et le service militaire obligatoire j’ai eu la chance de commencer le métier chez Porter Novelli à Bruxelles en plein milieu du quartier des institutions européennes. C’est là que j’ai vraiment appris les relations publiques; relations médias, communication de crise (toujours ma passion), public affairs et des voyages réguliers à l’étranger. Quatre années très intéressantes et l’occasion de travailler pour des clients divers comme FedEx et Iomega, mais aussi des associations industrielles européennes.
Un jour, une collègue RP m’as proposé de la rejoindre au sein d’IBM comme PR Manager. J’ai hésité, car cela voulait dire que j’allais travailler « chez l’annonceur », de l’autre côté… Mais on ne refuse pas une carrière chez une des marques les plus emblématiques de tous les temps et j’ai donc intégré le monde de « Big Blue ».
Pendant 10 ans j’ai pu travailler dans un environnement ou la communication était considérée comme un atout stratégique de l’organisation et non pas une arrière pensée. Des relations presse internationales en passant par la communication de crise (Y2K et 09/11) et la communication interne (plate forme de communication intranet avec chat, blogs et wikis – déjà en 2003 !) j’ai pu apprendre et aussi formuler des tactiques considérées à ce moment-là comme les plus modernes dans l’industrie. Et puis dès 2004, l’intégration de ce qui allait devenir les « réseaux sociaux » dans la communication corporate… Une vraie aventure professionnelle et aussi humaine.
Avant de venir m’installer au Maroc début 2016 j’ai passé six ans dans une entreprise internationale belge active dans différents domaines allant du secteur bancaire à la grande distribution, en passant par le transport international. De nouveau une proposition que je ne pouvais pas refuser : devenir le premier Belge, professionnel de la communication « classique », à s’occuper à 100% de l’intégration des réseaux sociaux au sein d’une entreprise patriarcale, mais avec une volonté claire de faire le pas vers le changement numérique.
Aujourd’hui je travaille chez PR Media, la première agence de relations publiques au Maroc, comme Directeur de la Stratégie.
Quels sont les enjeux et impacts, positifs et négatifs, pour une entreprise de gérer sa réputation et son image de marque ?
Les enjeux sont stratégiques et financiers, car on peut faire clairement le lien entre réputation et résultats financiers des entreprises. Donc une meilleure réputation permet d’accroitre directement la valeur d’une entreprise. En même temps, la gestion de la réputation est aujourd’hui intégrée dans l’analyse des risques de la plupart des multinationales cotées en bourse. Ce qui ne veut pas dire que c’est uniquement important pour les grandes entreprises : les PME sont également concernées.
Ce qui est important à comprendre c’est que la réputation est beaucoup plus large que la simple perception que le client a de l’entreprise. C’est entre autres, par exemple, l’environnement politique ou un tweet de Donald Trump peut impacter le cours de la course en positif ou négatif, comme ce fut le cas pour Ford ou General Motors récemment.
Les entreprises et les marques ont-elles toutes pris conscience de l’importance de la gestion de leur réputation ?
Non pas du tout, puisque les méthodologies de la gestion de réputation sont assez récentes et, qu’à ma connaissance, il n’y a que 2 ou 3 instituts au niveau mondial qui évaluent et font la promotion des outils de gestion. Il y a pas exemple le Reputation Management Institute à New-York, dont j’ai pu suivre certains cours.
Depuis quelques années déjà, on parle plus volontiers en Europe de « relations publics » plutôt que de « relations publiques ». Même si cette syntaxe est peu orthodoxe d’un point de vue grammaticale, que sous-entend cette correction ? Quelles sont les implications sur un plan conceptuel et stratégique de la pratique de ce métier ?
Il y a le même débat dans le monde anglophone où on parle de Public Relationships au lieu de Public Relations. Ce sont peut-être des nuances linguistiques mais elles démontrent clairement l’impact que la multitude de différentes parties prenantes ont de plus en plus sur les organisations.
Personnellement, j’ai toujours considéré que le rôle d’un professionnel des relations publiques est de bâtir des ponts entre les gens et/ou les institutions pour ouvrir un débat dans les 2 sens.
Toute autre sorte de la communication relève, selon moi, de la publicité ou de la propagande.
Internet et les réseaux sociaux exposent encore plus la réputation des marques et des entreprises aux risques. Comment et pourquoi ces nouveaux médias augmentent la probabilité des « bad buzz » ? Quelles sont les règles a minima et les les bonnes pratiques que les entreprises doivent adopter pour s’en prémunir ?
La disponibilité de plateformes de communication en ligne ouvertes à tous fonctionne comme une caisse de résonance et amplifie tout dysfonctionnement d’une organisation.
La première règle de base, avant même de communiquer, c’est d’écouter, écouter et encore écouter ! Je ne comprends pas qu’en 2017 beaucoup d’organisations professionnelles négligent la veille en ligne et ne l’intègrent pas dans leur démarche stratégique.
Tout le monde sait qu’il est toujours plus efficace d’agir et d’être pro-actif plutôt que de réagir. Comment expliquez-vous que bon nombre d’entreprises et de marques ne prennent toujours pas les devants pour mettre en place des stratégies et mécaniques de gestion de leur réputation et de leur image de marque ? Pourquoi n’anticipent-elles pas toujours et attendent la survenue d’une crise ou d’une atteinte à leur réputation pour implémenter un dispositif de communication ou de gestion de crise ?
C’est d’abord une mauvaise compréhension des enjeux et une paresse du management qui refuse d’investir des ressources dans la gestion proactive des incidents, pour qu’ils ne deviennent pas des crises. Selon les études, 2/3 des crises sont initialement des incidents qui auraient pu facilement être solutionnés. De plus, 80% des crises trouvent leur origine en interne, ce qui illustre le manque de suivi et d’écoute.
Selon vous, quelles sont les perspectives d’avenir, d’évolution et les grands enjeux de la gestion de la réputation pour les marques et les entreprises ?
La formation de la nouvelle génération des professionnels des relations publiques est indispensable et une priorité. Notre métier a fondamentalement changé mais on utilise toujours les schémas et les modèles d’il y a 80 ans ! Notre industrie des RP a besoin de professionnels de différents horizons, comme des sociologues, des experts de l’analyse de données (big data), des spécialistes du design interactif, etc.
En même temps, les organisations doivent reconnaitre que la gestion de la réputation ce n’est pas simplement envoyer un communiqué de presse et inviter des journalistes à une conférence, même si cela reste important et le béaba des relations presse. Elle commence aussi par la communication interne en intégrant les autres domaines, tels que le marketing, le service après-vente, les ressources humaines, dans un plan de communication global.
Cela fait quelques mois déjà que vous vous êtes installé au Maroc. Quel regard portez vous sur le marché de la communication corporate et des relations publics ?
Ce domaine ne peut que grandir et prendre de l’importance vu le positionnement du pays sur le continent africain. En effet, les entreprises marocaines sont amenées à gérer leur communication stratégique pour se développer sur le marché national et international.
En tant qu’étranger, j’ai redécouvert l’importance de la relation humaine dans le travail avec les parties prenantes. En Europe, cet aspect a tendance à s’effacer au profit d’une communication déshumanisée et éphémère. Par ailleurs, il y a une grande opportunité pour former la nouvelle génération de communicants professionnels au Maroc.
Quand je vois les changements récent chez PR Media allant d’une intégration à 360° des diffèrent métiers de la communication à la mise en place d’une agence dédie aux relations avec les influenceurs, je crois que les relations publiques au Maroc ont un bel avenir.
Enfin, vous êtes un inconditionnel des podcasts audio. D’ailleurs, vous animez votre propre podcast « Wag The Dog ». Quels sont vos sujets de prédilection ?
Un de mes hobbies est l’Histoire. Par définition je suis un grand fan du podcast de Dan Carlin : Hardcore History. Mais je dois avouer que le reste de mes podcasts sont assez tournés vers la communication, avec un incontournable qui est For Immediate Release (FIR), de mon ami américain Shel Holtz. Sinon, pour écouter un podcast qui est tout simplement parfait du point de vue production et storytelling, je suggère fortement l’écoute de 99% Invisible.