La capacité des principaux médias sociaux à transformer leur image dans un contexte de défiance généralisée fut une des tendances phares de l’année 2017. En témoignent l’opération de rebranding de Snapchat fin 2016, le nouveau positionnement de Pinterest comme «catalogue d’idées», ou encore le changement d’appellation de Twitter de «réseau social” à «appli de news» dans l’Apple Store. Difficile de ne pas voir derrière ce changement de stratégie l’ambition des géants du web social d’évoluer et de prendre encore plus de place dans nos vies.
Les médias sociaux ont tellement bouleversé la donne depuis leurs débuts qu’il est désormais quasi impossible de leur affubler l’étiquette «sociale» ou même de les qualifier de «médias». Même le terme «digital» est réducteur, alors que les pure players redoublent d’initiatives pour faire tomber les barrières entre physique et digital dans un nouvel univers «phygital». Il est également intéressant de voir comment ce paysage social évolue.
Autrefois, de nouveaux entrants tentaient de rivaliser avec les réseaux sociaux établis. Désormais la concurrence est ailleurs, elle vient d’autres acteurs : citons Amazon, parmi les exemples notables. Le lancement de Spark, le réseau social marchand d’Amazon, ou encore de son puissant service de publicité qui concurrence directement des acteurs incontournables comme Facebook, en sont des exemples frappants.
Les FAMGA (Facebook, Apple, Microsoft, Google, Amazon) deviennent si omniprésents qu’à moins de vivre coupé du monde vous ne pouvez plus y échapper. L’essor des assistants personnels comme Amazon Echo, Google Home ou Facebook Aloha montre aussi que l’ambition de leurs créateurs est clairement de s’intégrer à notre vie quotidienne. En Chine, même le shopping est devenu une expérience sociale et «phygitale» à part entière.
Dans le domaine du e-commerce, le cycle d’achat du consommateur chinois s’érige aujourd’hui en exemple pour le monde occidental. Le géant Facebook aurait bien du mal à concurrencer le business model de WeChat. De ce fait, que nous réserve l’année 2018 ? Maturité et consolidation du paysage technologique et digital devraient être au rendez-vous… Voici un aperçu du top 10 des prédictions social media 2018 vues par Kantar Media.
01. Les nouvelles technologies ont la côte, mais le contenu reste au centre des stratégies des marques
Entraînés dans une révolution Tech de grande ampleur, nous pourrions oublier qu’elle est liée à une autre révolution : celle du contenu. La réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR), ou encore l’Internet of Things (IoT) ne sont rien d’autre qu’un pont rendu possible par la technologie entre le réel et le virtuel.
Toutefois, le contenu restera nécessairement la clé de voûte entre objets, personnes et technologies, lorsque qu’il ne fusionnera pas tout simplement avec l’expérience elle-même. Cela ne signifie pas pour autant que le contenu ne devra pas évoluer, bien au contraire. Chaque canal de distribution apporte son lot de nouveaux défis, et non des moindres. L’Internet of Things devra apporter des bénéfices tangibles aux consommateurs.
02. La vague de l’IA déferle sur les réseaux. Mark Zuckerberg vs Elon Musk : quelle vision l’emportera ?
Il n’y a pas si longtemps, les machines intelligentes relevaient encore de la science-fiction. Aujourd’hui la réalité rattrape la fiction, et l’intelligence artificielle est devenue un nouveau champ de bataille pour les rois de la tech. Deux titans font déjà figure d’évangélistes sur le sujet, et se sont imposés en 2017 : Elon Musk qui, pour résumer, considère l’IA comme une menace pour l’humanité et appelle à une régulation plus stricte. Et Mark Zuckerberg qui estime quant à lui que l’IA peut sauver des vies, rapproche les gens et de manière générale croit à un monde meilleur intimement lié à l’IA.
Quelle vision est la plus réaliste ? Les paris sont ouverts… Mais une chose est certaine : l’intelligence artificielle va s’installer toujours plus dans nos vies à mesure que la technologie progresse.
03. Les réalités altérées dévoilent leurs atouts. 2018 : l’adoption de masse ?
Réalité augmentée (AR), réalité virtuelle (VR) et réalité mixte (MR) sont incontestablement un sujet d’actualité en vogue, mais aussi un marché de niche qui doit se donner une image plus mature. Le tournant n’a pas encore réellement été pris, malgré le succès de Pokémon Go en 2016. Mais tout cela devrait changer en 2018… Bref, attendez-vous à vivre des expériences sociales immersives dans les prochains mois.
Certes, il y a encore un long chemin à parcourir pour la VR sociale. Mais l’année 2018 pourrait être le théâtre de changements importants qui favoriseront l’émergence d’un nouveau paradigme dans les prochaines années.
04. Facebook & consorts à l’assaut de la télévision. Le défi ? Créer de nouvelles habitudes TV
Si l’essor de la vidéo «live» en particulier fait beaucoup parler, il est important de garder à l’esprit que, aussi incontournable soit le live-stream, ce n’est pas un but en soi. Comme le souligne l’expert des médias sociaux Andrew Huchinson dans un article de «Social Media Today», «La télévision en tant que récepteur domine toujours, mais le contenu que nous voyons à la télévision est différent. Les téléspectateurs d’aujourd’hui ne veulent plus être dépendants d’horaires fixes de diffusion, leur imposant ce qu’ils regardent et à quel moment. (…) La révolution est en marche, et les réseaux sociaux le savent.»
Pour schématiser, des acteurs majeurs comme Twitter, Snapchat et Facebook s’adaptent à cette nouvelle réalité pour créer un nouveau modèle de télévision qui se situe quelque part entre la TV traditionnelle, le streaming, et des services de vidéo à la demande tels que Netflix, dotés d’un social chatter. Un peu comme les sites d’hébergement de vidéos Acfun et Bilibili, très populaires en Chine, qui affichent en temps réel les commentaires des internautes.
Par ailleurs, en Chine, les annonceurs influencent leurs consommateurs à travers un placement produit d’un nouveau genre : les personnages de la série TV «Ode to Joy», par exemple, sont proches des marques qui les entourent. Andy, le héros, utilise les produits Evian et Porsche, tandis qu’un autre personnage moins fortuné porte des vêtements Tadashi Shoji et achète sur le site Vip.com. Des stratégies qui visent à accroître l’exposition de la marque, et qui permettent aux internautes de mieux comprendre leur positionnement à travers ces nouveaux contenus.
05. La publicité sociale poursuit sa mue. Préparez-vous à des expériences encore plus personnelles
Le vent a tourné en 2017 contre la publicité digitale et sociale en particulier. Un certain nombre d’accusations ont fait les gros titres, essentiellement liées aux sujets de brand-safety, d’absence de standards de visibilité et de manque de transparence dans la mesure de performance des campagnes par des tiers. Bien sombre tableau.
Et pour couronner le tout, le duopole publicitaire formé par Google et Facebook ne facilite pas la tâche des marques et des agences. Dans ce contexte, la publicité mobile en particulier est promise à un brillant avenir. D’autant plus maintenant que le trafic social organique devient plus difficile à acquérir… De plus en plus, en effet, l’algorithme de Facebook tend à prioriser les posts des amis par rapport aux autres sources. De ce fait, si quelqu’un a liké votre page de marque, vos posts n’en seront pas pour autant plus visibles sur sa page Facebook, sauf si la personne choisit de regarder vos posts en premier dans son fil d’actualités. Résultat : les marques n’auront bientôt plus d’autres choix que de sponsoriser leurs posts et recourir aux publicités…
Au final, le social media marketing n’est plus une affaire de narration mais d’expériences. La clé est d’apporter de la valeur aux marques et aux consommateurs. Les réseaux sociaux l’ont bien compris, et continueront à influencer dans ce sens d’autres secteurs comme la télévision, le cinéma, l’affichage classique et digital.
06. Marketing d’influence : l’âge de la maturité. Pourquoi vous ne pouvez plus faire l’impasse
Dans le domaine du marketing d’influence, la Chine a toujours joué un rôle de précurseur, avec par exemple le boom des «Key Opinion Leaders» (ou KOLs) dont l’importance stratégique dans la communication des marques chinoises n’est plus à prouver. Les marques utilisent toujours leur popularité comme un vecteur puissant de notoriété, mais aussi pour générer des ventes. Aujourd’hui, les stars des médias sociaux vont même jusqu’à créer leurs propres marques de mode : les fans peuvent acheter leurs produits directement en ligne tout en chattant avec la célébrité.
La montée en puissance du phénomène de l’adblocking a contraint de nombreux marketers à repenser leurs techniques marketing et publicitaires. Rendez-vous compte : plus de 20% des adultes connectés interrogés pour l’étude «Dimension» de Kantar Media dans 5 pays (Brésil, France, Grande Bretagne et Etats-Unis) déclarent utiliser en permanence un bloqueur de publicité. En Chine, seulement 18% affirment en utiliser en permanence, mais pas moins de 46% ont «parfois» recours à la technologie.
RP & relations influenceurs, guest-blogging & social takeovers, contenu sponsorisé, programmes d’affiliation et codes promo, tests produits & avis consommateurs sur le web social, concours et cadeaux, événements, co-création, programmes ambassadeurs, micro-influenceurs… autant de notions et de techniques à maîtriser et à mettre en place et ce, de plus en plus dorénavant.
07. La vidéo, format superstar. Mais d’autres formats pourraient briller en 2018
La question intéressante est plutôt le pourquoi de cette popularité et en quoi elle s’inscrit dans une vision plus large . Pour la plupart des plateformes sociales, le modèle économique de nombreux médias sociaux est en effet la publicité. Et qui dit publicité dit nécessité de fidéliser le plus possible ses visiteurs pour qu’ils restent sur la plateforme le plus longtemps possible. Ils ont besoin d’être intéressés, divertis et engagés. C’est aussi simple que cela. Les réseaux sociaux développent donc des algorithmes qui favorisent le contenu le plus engageant, or les vidéos, et en particulier les vidéos live, font partie des formats qui génèrent le plus d’engagement.
En plus des formats vidéo et audio, les early adopteurs explorent aussi toutes les formes de contenu interactif. Les Gifs, ces images animées qui peuvent être facilement partagées et ajoutées à vos posts sont très populaires, avec des marques qui lancent même leurs propres gifs. Ce qui est fascinant c’est la diversité des gifs existants et la créativité qu’ils permettent. Les «morphing gifs» sont une catégorie qui permet d’introduire une légère transition entre des images. Les «looping gifs» sont si populaires qu’ils ont même une communauté sur Reddit:/r/perfectloops. Les «split depth Gifs» sont également très innovants, avec leurs effets 3D. Ils utilisent une technique simple pour créer l’illusion d’un sujet qui surgit à l’écran devant vous. Les cinemagraphs, également appelés «living photographs» en sont un autre exemple. Et la liste pourrait s’allonger encore et encore…
08. La fin du far-west des données. La Gen Z attentive à son identité numérique
Si vous pensiez que les médias sociaux annonçaient la fin de la vie privée, vous allez être surpris : les plus jeunes issus de la génération Z expriment le plus fort désir de protéger leurs données personnelles. Nombre d’entre eux utilisent des alias pour effectuer leurs recherches sur le web sans être repérés. Ils créent même sur Instagram des comptes «finsta» (des comptes «fake» ou «friendly-only») en plus de leurs comptes «rinsta» (réels).
Ces adolescents soucieux de leur intimité utilisent souvent des applications telles que Vault-Hide, qui permet à ses utilisateurs de cacher des photos et des vidéos. Egalement à leur disposition, les réseaux sociaux «incognito» comme Sarahah, Anonyfish ou Minds.com pour s’exprimer anonymement. Et si vous doutez encore de ce besoin d’intimité virtuelle de la Gen Z, mesurez bien ceci : l’application Sarahah a été propulsée en première place dans l’Apple Store dans 30 pays juste deux mois après sa sortie…
Quelles sont les conséquences pour les marques ? Tout d’abord, elles devront être vigilantes sur la manière dont elles utilisent les données sociales et comment elles les gèrent (dans un CRM ou autre). D’autre part, elles devront trouver des méthodes alternatives pour engager les plus jeunes utilisateurs des réseaux : par exemple, recourir aux applications de messagerie où les interactions sont plus privées et personnelles (one-to-one).
09. Fake news, le côté obscur du web social. Votre marque est-elle «safe» ?
Les fake news sont toujours éminemment d’actualité, et il s’avère que les médias sociaux ont été fortement affaiblis par cette tendance de fond. L’étude «Trust In News» de Kantar montre que les plateformes sociales sont les sources d’information qui inspirent le moins confiance, recueillant seulement 33% d’avis positifs. En conséquence, le développement d’algorithmes capables de lutter contre les fake news dans nos fils d’actualités est devenu une «top» priorité pour les géants du web social en 2018.
Se pose également la question des contenus «non brand-safe», tels que les contenus illégaux, adultes, provocateurs, discriminatoires, et /ou violents. Ainsi, en 2017, le groupe Havas au Royaume-Uni a mis en pause tous ses investissements publicitaires sur Youtube. Le directeur général, Paul Frampton, a annoncé que Youtube avait un devoir de réparation vis-à-vis de ses clients pour garantir la sécurité de leurs marques. En effet des marques très connues favorisaient l’extrêmisme en affichant des publicités à côté de contenus, entre autres, terroristes. En résumé, assurer la réputation de votre marque dans la durée va devenir quasi impossible…
Pour nous donner davantage de contrôle, les plateformes sociales vont devoir engager des sociétés pour surveiller la «qualité media». Par exemple, Youtube et Snapchat ont tous deux choisi de collaborer avec la société «Integral Ad Science» (IAS), qui prévoit l’intégration aux principaux DSP. L’objectif est de réduire, si ce n’est éliminer, la diffusion de publicité dans un contexte inapproprié.
Les géants du web social vont également devoir être rendre des comptes concernant le manque de transparence dans la manière dont ils partagent leurs données avec les annonceurs, et par rapport à leur auto-évaluation des résultats de campagne.
10. Convergence, intégration, empire social : Le modèle chinois inspire l’Occident
La convergence des médias sociaux et de l’expérience utilisateurs a atteint un niveau de perfection sans précédent les médias sociaux chinois. Selon l’étude de Kantar «Media China Social Media Landscape», plusieurs plateformes comme Weibo, WeChat et QQ vont encore plus loin dans l’intégration du social commerce, du mobile commerce et du «pan-entertainement». Par exemple, Weibo et les sites de vidéos sont désormais davantage intégrés aux plateformes e-commerce, tandis que les plateformes de gaming intègrent des sites de vidéo et des forums de BBS (système de bulletins électroniques).
Avec plus de 800 millions d’utilisateurs actifs mensuels, WeChat est l’un des meilleurs exemples de pénétration internet mobile dans le monde. Beaucoup de marques et enseignes interagissent avec leurs avec consommateurs directement dans l’application sociale, faisant l’impasse sur toutes les autres applications mobiles. Ainsi Gap, Estée Lauder, ou Coach ont embarqué leurs programmes de fidélité à l’intérieur de WeChat, et depuis engagent leurs clients et assurent la gestion de la relation clients (CRM) directement depuis la plateforme.
Sur le plan de l’intégration, une application telle que WeChat est finalement très loin devant le géant Facebook… et les mastodontes sociaux de l’Empire du Milieu recouvrent d’extraordinaires success stories. Plus qu’un modèle, c’est une inépuisable source d’inspiration.
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