L’expression transformation digitale n’est pas un simple buzz word du moment, c’est une réalité cinglante qui nous bouscule tous, humains et systèmes, et qui nous déconcerte par sa vitesse et la multiplication des dimensions qu’elle couvre, créant beaucoup de confusion dans notre esprit à tous.
C’est une véritable mutation qui s’opère sous nos yeux chaque jour, qui nous interpelle sur nos croyances et notre vision du monde, et qui génère autant de fascination pour les perspectives prometteuses d’avenir, que de peurs des résultats futurs de tous ces changements accélérés et de cette destruction rapide des repères.
Cela peut être une véritable chance historique pour les uns, ou un véritable cauchemar pour les autres.
Des métiers qui changent radicalement
Aucune entreprise n’échappera à un avenir où les gens et les objets seront interconnectés à tout moment, vu l’essor attendu de la combinaison entre les objets connectés (IOT) et l’intelligence artificielle (IA) notamment, en tout lieu, avec n’importe quel appareil, et même les activités les plus classiques et les plus ancrées dans le monde physique sont concernées, chacune à sa vitesse de maturité disruptive :
- La médecine avec le télé-diagnostic et la télé-chirurgie qui interpelle déjà sur le rôle futur des médecins.
- L’agriculture à travers les tracteurs sans pilotes et l’intervention massive des drones dans le suivi des cultures.
- Les BTP avec l’intégration de l’intelligence artificielle dans les phases amont de conception et l’intégration de l’impression 3D dans les phases avals de la construction etc.
Et les exemples sont nombreux pour illustrer les ruptures qui se succèdent et qui forcent le pas à la transformation digitale et numériques des organisations, des secteurs d’activités, et de l’économie dans son ensemble.
Un monde nouveau nous appelle
Ces transformations ne touchent pas seulement la manière de vendre ou de proposer les services et les produits dans les organisations, elles changent substantiellement la manière de vivre, de décider et de collaborer dans celles-ci, et obligent à un véritable changement du software managérial pour pouvoir appréhender ce nouveau monde et le « décoder » dans la mesure du possible, d’où l’importance de créer une onde de choc par un mécanisme d’acculturation digitale dans toutes les strates de l’organisation, car ce nouveau monde qui se dessine sous nos yeux, est bien loin en beaucoup de points de l’ancien que nous sommes forcés de quitter, que nous le décidions en pleine conscience, ou que nous le subissions dans la soumission.
Quelques exemples pour illustrer cela :
- Face à l’ordre établi et prévisible qui permettait de planifier, se dresse aujourd’hui un monde mouvant, et qui change rapidement, dont quelques majors de la technologie dessinent les nouvelles règles qui façonnent l’environnement général des entreprises, au grès de leurs enjeux et à la vitesse qui les arrange, sans que les entreprises ne puissent agir pour contenir ou orienter ces changements de fonds, les mettant ainsi en situation de suiveurs éternels.
- Là où le management était habitué à contrôler, maîtriser, orienter, il devra apprendre à lâcher prise pour accueillir et intégrer tous les changements rapides, et voir comment atténuer leur effet, ou comment accélérer leur appropriation pour en tirer bénéfice, au risque de se voir totalement submergé et dépassé par sa volonté de maîtriser la complexité.
- L’aversion pour l’échec qui faisait en sorte que tout projet soit minutieusement étudié avant sa mise en œuvre, voire abandonné s’il ne présentait pas les conditions théoriques pour sa probable réussite, doit faire place à une nouvelle culture d’expérimentation, d’échec et d’apprentissage collectif répété jusqu’à trouver la bonne approche pour avancer dessus et en tirer profit.
- Là où les organisations pouvaient gagner du temps par des annonces et des promesses à des générations d’employés qui avaient la patience d’attendre et qui acceptaient ce que leurs entreprises étaient capables de leur fournir en termes d’environnement interne, les nouvelles générations Y et Z, fruits de cette mutation, sont impatientes, et ne s’embarrassent pas de la hiérarchie et des codes figés de l’ancien monde. Ce raisonnement vaut bien évidemment également pour les clients, dont le niveau d’exigence en matière d’expérience puise ses fondement dans l’existant universel et mondial, et plus seulement dans l’existant local.
- Là où la notion de plan d’action était dominante dans la pensée managériale, et la recherche de solutions toutes faites était un réflexe apaisant par le passé, tant les repères étaient stables et la reconductibilité des solutions du passé pour traiter les problèmes du présent apportait des réponses satisfaisantes, la co-construction, et la co-élaboration de solutions nouvelles et originales avec ses ressources humaines, s’impose pour lire les problèmes du présent et pour leur apporter des réponses souples et adaptées, au risque de casser du fait de la rigidité organisationnelle et de la myopie managériale.
Et les exemples de ruptures de paradigmes sont très nombreux pour se rendre compte que nous quittons définitivement un ancien monde et que nous sommes, à travers ou sans notre volonté consciente, entrain de basculer dans un nouveau monde qui nécessite un nouveau software managérial pour y basculer avec le moins de dégâts.
Ce nouveau software ne peut se développer que par une première phase, voulue ou forcée, d’acculturation globale, mais particulièrement d’acculturation numérique et digitale.
S’adapter ou casser
Le mot acculturation est fort, mais il est volontairement choisit pour interpeller les consciences managériales, car la transformation digitale des entreprises, est avant tout, une transformation de la culture managériale, avant d’être une affaire de technologies ou de gadgets.
Les modèles économiques du présent sont disruptifs, et non évolutifs, et un management qui aborde le présent avec des croyances et des raisonnements du siècle dernier, n’a aucune chance de tenir dans le temps, il n’a pas d’autre choix que celui d’opérer une mutation de fond dans son état d’esprit et d’impulser une nouvelle approche à son organisation dans son ensemble, dans le respect des principes de ce nouveau monde.
L’acculturation est « l’adoption et l’assimilation d’une culture étrangère » selon le prisme de définition anglo-saxon, et c’est bien ce qui nous arrive à pas forcé, nous devons nous l’avouer et arrêter de croire en la pensée magique, que nous pourrons vivre dans le monde demain en préservant nos réflexes d’hier, et notre identité culturelle d’aujourd’hui, ce qui se joue autour de nous est bien plus profond et plus structurant que nous ne percevons à la surface.
Nos entreprises pyramidales sont forcées de céder le pas à des entreprises d’un nouveau genre, où l’humain est véritablement considéré et associé au développement, et où l’approche Top / Down si chère à nos dirigeants, doit céder le pas à une logique de transversalité, dans un esprit de parité et de respect de l’intelligence de l’autre, et où le management intermédiaire, plus souvent preneur d’otage dans l’entreprise que facteur de croissance, doit revoir fondamentalement son rôle et sa position dans l’entreprise, au risque de se voir écrasé par la pression du changement et disparaître comme dans de nombreuses entreprises du nouveau monde.
Premier changement à opérer, arrêter d’aller vite au « comment faire »
Cet article n’a pas pour mission d’expliquer le « comment faire » pour engager l’acculturation digitale de l’entreprise, attente et réflexe trop présents dans notre culture managériale malheureusement et qui ne permet généralement pas de prendre la hauteur nécessaire sur les sujets traités pour en mesurer la vue d’ensemble, et pour développer nos capacités d’abstraction.
Cet article a pour modeste vocation d’interpeller sur le « Pourquoi faire » et sur le « sens » de ces changements, et de ce fait, nous ne le bouclerons pas avec un call to action commercial pour vendre des services ou une démarche, notre souhait étant de créer l’attention nécessaire et de réveiller chez les dirigeants l’envie d’aborder le sujet de la transformation digitale des entreprises sous un prisme de culture d’entreprise, en tenant compte d’aspects sociologiques et psychologiques, voire même anthropologiques, avant les considérations technologiques.
Celles -ci sont utilisées trop souvent comme appât pour engager les entreprises dans cet exercice périlleux et les engager dans un engrenage dont elle ne mesurent pas toujours la rapidité d’action et la capacité d’acculturation forcée qu’il leur imprègne sans leur volonté consciente.
Tant qu’à faire, autant subir cette acculturation en état de conscience et avec sa propre volonté que de la subir une fois l’engrenage enclenché, et comme a dit un speaker dans un récent congrès sur l’entreprise du futur, « Lorsqu’on a pas de visibilité, il faut avoir une vision »… à méditer.