Salafin a récemment fait évoluer sa marque après 20 ans de présence sur le marché marocain, en mettant au cœur de son nouveau positionnement sa transformation digitale. Asmaâ Fenniri est en charge de cette mission. Avant de rejoindre Salafin en février 2017, Asmaâ a eu un parcours 100% dans le digital. Après près de 5 ans chez Royal Air Maroc en charge du e-commerce, elle a rejoint inwi en 2008 comme responsable e-marketing pour ensuite prendre en charge la direction du numérique en 2014. The Rolling Notes a rencontré Asmaâ Fenniri, la Directrice Transformation Digitale de Salafin, pour en savoir plus. Entretien.
En tant que Directrice de la transformation digitale chez Salafin, en quoi consiste votre mission ?
Salafin a fait le choix d’aborder le Digital dans ses différentes dimensions à la fois technologique, humaine et organisationnelle et c’est cette conviction de départ qui a donné son contour à la mission du digital chez Salafin. Ma mission est donc de faire évoluer les modes de collaboration et d’interactions en interne et avec l’externe afin de délivrer de la valeur à nos clients et partenaires et assurer le succès de Salafin.
Salafin a mené une réflexion sur l’apport du digital dans son métier, ses produits et services. La réflexion a été menée au départ au sein du comité de Direction et s’est ensuite élargie au middle management de Salafin, sous forme d’ateliers participatifs, pour créer une appropriation du sujet à tous les étages. Le résultat final de cette démarche a été une feuille de route à horizon 3 ans et la décision de créer une Direction Transformation Digitale rattachée à la présidence pour piloter et mettre en œuvre la transformation digitale.
Lorsque j’ai rejoint Salafin, j’ai donc eu la chance d’avoir face à moi un comité de direction qui était déjà complètement convaincu de l’urgence et l’importance de cette évolution digitale en profondeur. Le challenge était de créer une adhésion et un enthousiasme chez les collaborateurs de tous bords et de donner rapidement vie au digital à travers des réalisations concrètes.
Quels nouveaux métiers et nouveaux services lancés ?
Il va de soi que cette transformation s’accompagne par le recrutement de nouvelles compétences spécifiques autour des métiers du marketing, de la com digitale et autour de la data mais avant de parler de nouveaux métiers ou nouveaux services, nous voulions déjà assurer l’évolution des métiers existants, marketing, relation client, gestion de projet IT, recouvrement… Pour cela, nous avons mobilisé les collaborateurs au sein d’un processus d’innovation interne pour les rendre acteurs du changement. Et les résultats ont été très satisfaisants ! Nous avons même dû prioriser certains projets pour 2018 et reporter d’autres à 2019.
Un projet de transformation quel qu’il soit doit être accompagné d’une démarche de conduite de changement structurée qui vise à évaluer le niveau de maturité et à déployer le bon dispositif d’accompagnement et de communication. Chez Salafin, pour mobiliser, créer de l’enthousiasme et de l’adhésion autour de ce projet structurant, nous avons matérialisé cette démarche de transformation à travers un emblème visuel. Le choix s’est porté sur une mascotte sous forme d’abeille, car celle-ci est un symbole positif, qui renvoie à des valeurs de travail en équipe, de productivité, de socialisation. L’emblème «B’ Digital» est utilisé pour aligner la compréhension des enjeux du digital pour Salafin à tous les niveaux et permettra de communiquer régulièrement en interne sur les évolutions et les preuves du projet.
Nous avons également décidé de changer nos modes d’interactions et de collaboration en adoptant de nouveaux outils de communication, de gestion de projet, de communication interne pour rendre concret au quotidien l’apport du digital, des technologies et de son mindset. Nous avons matérialisé le changement en créant un Lab, qui se veut un lieu d’échanges, de brainstorming autour du digital. Cette mécanique de changement culturel est donc en marche chez Salafin mais il faut donner un temps de digestion pour que ces nouveautés deviennent la norme.
Parmi les nouveaux services réalisés avec les équipes métiers Salafin, figure l’accord de principe immédiat en ligne qui est une exclusivité Salafin sur le marché du crédit conso au Maroc.
Les entreprises marocaines sont-elles suffisamment conscientes des enjeux de la transformation digitale, ou cela relève -t-il encore plus de l’effet de mode ?
Je pense que la prise de conscience est déjà là. Il ne se passe pas un jour sans que l’on parle de ce sujet dans les médias, les réunions… Le concept de transformation digitale est omniprésent mais il n’en reste pas moins flou et vague pour un bon nombre. Les entreprises de service comprennent l’intérêt du canal digital pour leur business. Elles ont des clients exigeants à satisfaire et une présence sur Facebook n’est pas suffisante pour les convaincre. Les clients attendent de l’engagement, de l’efficacité, de la pertinence et de la transparence de la part des marques et pour atteindre cela, il faut questionner ses process, structurer ses données et proposer des parcours clients fiables et fluides. C’est pour cela que la banque, l’assurance qui ont des parcours clients complexes, qui vont bien au-delà d’un simple parcours d’achat, avec un cycle de vie client long, ont engagées des processus de transformation digitale. Le secteur industriel et celui de la grande distribution sont quant à eux encore au stade d’initiatives. Il y a un réel intérêt du digital sur leur supply chain mais rares sont les expérimentations autour de l’industrie 4.0.
Comme le sujet est vaste, certains préfèrent le morceler et l’aborder dans sa dimension la plus visible, à savoir la communication et le marketing. Ce qui créé une sorte de double vitesse au sein de l’entreprise. L’entité marketing qui se digitalise et qui laisse souvent sur le banc de touche les autres métiers, les process, l’IT, les RHs, l’innovation qui pourraient tout autant tirer profit du digital, certes de manière moins visible mais en créant de la valeur pour l’entreprise et ses clients. L’autre argument de taille qui fait que les entreprises y vont par petits pas, c’est le budget. Les budgets nécessaires pour s’outiller, former ses collaborateurs, investir dans l’innovation constituent un réel frein à la transformation globale pour les entreprises de taille moyenne. Dans l’étude Digital Trends Morocco 2018, publié le 22 février par le GAM, il ressort que le budget moyen consacré au marketing et à la com digitale est de 3 Mdhs, soit environ 8% du budget global marketing et communication. Ce ratio a peu évolué ces 2 dernières années et malgré les ROIs chiffrés du Canal Digital tant en terme de reach, d’engagement que de conversion, le digital ne s’est donc pas encore imposé comme un canal préférentiel. Il apparaît davantage comme un levier complémentaire subi qu’un choix stratégique.
Comment juge-t-on une transformation digitale réussie ?
Je pense que le sujet évolue tellement vite que nous sommes loin d’avoir atteint le plein potentiel du digital. D’une part, il y a des avancées importantes autour de l’intelligence artificielle qui vont bouleverser le traitement et l’exploitation de la donnée en entreprise et de l’autre, une nouvelle génération de collaborateurs « digital native » qui vont bousculer les pratiques managériales. Les entreprises n’ont donc pas fini leur transformation culturelle et technologique. C’est davantage un chemin qu’une destination finale. Il y a néanmoins des indicateurs tangibles qui peuvent donner des signes de maturité digitale au sein de l’entreprise comme l’adoption des outils, le niveau de connaissances/compétences des collaborateurs, le taux d’usage du canal digital par les clients et partenaires et la part du business drivé par le canal digital.