The Rolling Notes accueille aujourd’hui, Widad Faiz et Mohamed Malki, respectivement COO et CCO, de l’agence ONOFF. Ils reviennent sur l’actuel boycott et la crise de perception entre les marques et les cibles. L’occasion d’une interview croisée, riche d’éclairages.
Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ?
Widad Faiz, je suis associée au sein de ONOFF, y travaille depuis plus de 10 ans et j’occupe le poste de Chief Operations Officier.
Mohamed El Malki, aka “Masta Flow”, 36 ans. Je suis associé au sein de ONOFF, cela fait également 10 ans que j’y travaille et j’occupe actuellement le poste de CCO en parallèle de ma carrière d’artiste.
Pensez-vous que les crises de communication qui découlent du boycott reflètent la rupture entre deux générations qui essayent de coexister : d’une part, des Millennials qui ont grandi avec les codes de réseaux sociaux et d’autre part, une élite qui s’accroche à des codes obsolètes ?
Widad : Les Millennials sont des digitals natives qui ont grandi avec l’évolution des nouvelles technologies d’informations et de communication. Ils sont actifs sur les réseaux sociaux et les utilisent au quotidien pour s’exprimer librement et affirmer leur identité contrairement aux anciennes générations. Cela représente un changement important de mentalité que les entreprises ont du mal à cerner alors qu’elles n’ont plus le choix. La communication de crise existe depuis toujours, mais dans le contexte actuel, il faut muter. En effet, les entreprises doivent s’adapter à la culture des millennials, comprendre leurs codes et il faut s’avoir s’adapter et muter aussi rapidement qu’eux.
Masta : Le boycott a révélé l’énorme décalage entre les deux générations sur le plan communicationnel, aussi bien sur le fond que sur la forme. Les résultats témoignent de la supériorité du modèle adopté par la nouvelle génération, qui découle de l’influence et la distribution digitale. Il aurait été nécessaire, que la classe politique et les marques concernées par ce boycott, de mieux comprendre les codes actuels pour anticiper les attentes des marocains et donc mieux amortir le choc. Nous sommes une nouvelle génération, avisée, très technique et qui prête attention aux détails : il faut se donner les moyens pour mieux nous aborder.
Comment « On Off », qui on le rappelle fait partie du groupe Buzzkito Network, utilisent la data et la psychologie pour concevoir des campagnes qui influencent les consommateurs ?
Widad : La psychologie et l’utilisation des datas sont au cœur de notre activité. En effet, nous sommes très à l’écoute des consommateurs via les réseaux sociaux et le contenu social media que nous étudions de près grâce à des outils technologiques dont nous disposons au sein du groupe Buzzkito. Nous pouvons aujourd’hui savoir ce qui marche ou pas et surtout comprendre «pourquoi». Nous nous basons sur le résultat de nos recherches afin d’orienter la stratégie de communication et de concevoir des messages adaptés aux consommateurs que nous ciblons.
En tant que produit de l’école publique et artiste urbain, ne ressentez-vous pas qu’il y’a une distorsion entre les attentes de vos clients qui sont francophiles ou américanophiles et celle des consommateurs qui sont plus «Chaabi» ?
Masta : Bien évidemment, c’est parmi les raisons pour lesquelles les marques inspirent de moins en moins les marocains, car souvent, celui qui valide / juge un concept publicitaire avant même qu’il soit produit (que ce soit dans les agences ou chez les annonceurs) est soit issu d’un milieu assez «aisé», ce qui n’est pas le cas de la plupart des marocains, soit un expatrié. Dans les deux cas on se retrouve avec un concept, une exécution avec des codes à la française ou à l’américaine qui vont être par la suite littéralement être traduits en arabe ou en darija, impliquant ainsi une incompatibilité totale entre le contenu et la perception des marocains. Les marocains ont subi cela pendant un certain moment mais refusent ce type de contenu aujourd’hui car ils sont devenus eux même producteurs et diffuseurs. Pour ce qui est de ma propre expérience, j’ai eu la chance de côtoyer et d’interagir avec les CSP populaires (bidonvilles, quartiers défavorisés…), mes fans viennent de tout le Maroc. Ce qui m’a permis d’enrichir mon langage créatif et de mieux connecter avec les attentes des foules.