Twitter certifie le compte d’un faux candidat américain aux élections de 2020, créé de toutes pièces par un lycéen. Objectif de l’ado : tester la vigilance de la plateforme, quatre ans après l’ingérence russe dans les élections présidentielles.
Républicain, chef d’entreprise, défenseur des étudiants, Andrew Walz se présente au Congrès américain pour les élections de 2020. Cet homme politique du Rhode Island a choisi pour slogan « Let’s make change in Washington together ».
C’est du moins ce qu’affirmait son compte Twitter il y a encore quelques jours.
Un compte Twitter certifié, qui avait reçu le très convoité badge bleu de la plateforme de micro-blogging, censé attester de l’authenticité des politiciens américains avant les élections au Sénat, à la Chambre, aux postes de Gouverneurs et aux instances locales de 2020. Un badge depuis copié par Facebook, et souvent attribué à des comptes éminents de journalistes, de politiciens, d’agences gouvernementales ou encore d’entreprises. Un gage de fiabilité en quelque sorte, destiné à améliorer l’information des électeurs sur la plateforme après l’intervention de la Russie lors des élections de 2016.
Le problème, c’est qu’Andrew Walz n’existe pas.
Fake Candidate
Le candidat est né de l’imagination d’un adolescent du nord de l’Etat de New York, et dont CNN Business, qui a découvert le pot-aux-roses, a choisi de maintenir l’anonymat. L’adolescent a déclaré qu’il s’ennuyait pendant les vacances de Noël et avait décidé de créer un faux compte pour tester les efforts d’intégrité électorale de Twitter.
Le fait qu’un adolescent sans presque aucune ressource ait pu créer rapidement un faux candidat sur son temps libre et le faire vérifier par Twitter soulève de nombreuses questions sur la capacité de la plateforme sociale à gérer les élections de 2020. Un porte-parole de Twitter avait ainsi déclaré en 2019 : « Notre pire scénario serait que nous vérifiions quelqu’un qui n’est pas réellement candidat ».
Eh bien c’est raté.
Le faux compte a depuis été suspendu pour violation des règles d’utilisation de la plateforme.
Dans le même temps, de nombreux candidats aux élections américaines – authentiques ceux-là – se sont plaints que Twitter tarde à vérifier leurs comptes, ce qui ne manquait d’affecter les dons en ligne à leurs campagnes. A date, depuis l’annonce du programme de vérification en décembre, Twitter a vérifié les comptes de 1 500 candidats.
Mode d’emploi pour créer un faux candidat
Le lycéen américain a déclaré à CNN Business qu’il avait commencé à s’intéresser à la manière dont les plateformes sociales tentaient de lutter contre la désinformation et l’ingérence électorale après un cours d’histoire sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016. L’ado a dès lors décidé de tester comment Twitter notamment vérifiait qui les candidats étaient véritablement – et s’ils existaient tout simplement d’ailleurs.
Il lui fallut ainsi une vingtaine de minutes pour créer un site Web pour son faux candidat et cinq minutes pour créer le compte Twitter. Pour la photo du faux Andrew Walz, direction le site thispersondoesnotexist.com qui utilise l’intelligence artificielle pour générer des visages particulièrement réalistes de personnes qui n’existent pas. La même technologie est actuellement exploitée pour générer des vidéos de deepfake, qui commencent sérieusement à alerter les instances de sécurité américaines.
L’étudiant a ensuite créé un faux profil sur Ballotpedia, site Web américain à but non lucratif qui se présente comme une gigantesque encyclopédie de la vie politique américaine. Excellente caution, sachant que Twitter avait annoncé, en décembre, qu’il s’associait à Ballotpedia pour « utiliser leur expertise dans l’identification des comptes Twitter officiels des candidats de la campagne ».
L’adolescent a alors soumis les informations sur le faux candidat à Twitter, y compris en répondant à un court sondage. Ni Ballotpedia ni Twitter n’ont jamais demandé de preuve officielle d’identité pour prouver qu’Andrew Walz était bien un vrai candidat – ou même une vraie personne.
So embarrassing
Grossière erreur.
Quelques semaines après la mise en ligne de son profil, Twitter a cependant contacté Andrew Walz pour vérifier son compte.
La seule exigence fut alors d’ajouter une image d’arrière-plan en haut du compte, a déclaré l’adolescent de 17 ans dont le faux compte a depuis été suspendu, et qui n’encourt aucune poursuite. « Je n’avais aucune intention malveillante. Je voulais simplement tester, et voir si cela pouvait arriver. Si je pouvais le faire en tant que lycéen, imaginez ce qu’une équipe hautement qualifiée pourrait faire. Au cas où quelqu’un avec de mauvaises intentions voudrait le faire, Twitter sait maintenant et peut prendre des mesures pour résoudre ce problème. »