Difficile d’établir un corollaire entre les résultats des élections et les campagnes digitales des partis politiques. Ceci est dû, mis à part les dépenses publicitaires sur Facebook, au manque d’indicateurs de performance significatifs.
Or, la présence digitale peut aider à booster l’aura et la notoriété en créant buzz, bad buzz et polémique et en favorisant un effet de notoriété même quand on est critiqué ou victime de bashing.
Le Digital est d’abord un espace d’expression et d’influence
Nous avons, comme beaucoup d’internautes, suivi non sans intérêt, les campagnes électorales des partis politiques marocains dans le digital. Une bataille qui s’est en partie déroulée sur les réseaux sociaux.
Le Digital est devenu avec le temps, plus qu’un canal, un espace d’expression pour les communicants de tout bord et les marques, en l’occurrence politiques, qui peuvent s’y mettre en évidence directement en publiant des contenus (posters, vidéo, photos…) ou indirectement, à travers des relais d’opinion et des influenceurs.
Or, on ne peut dire à ce stade de maturité digitale du pays qu’un lien direct existe entre les résultats du scrutin et les campagnes digitales, et ce pour plusieurs raisons : taux d’analphabétisme, abstention d’une grande frange de la population lettrée, forte ruralisation du pays, fracture numérique… d’où le nombre conséquent de votants complètement déconnectés.
Toutefois, les campagnes d’image à sensation, basées sur le slogan “Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi!” dixit Léon Zitrone, ont l’air d’influencer, à travers le bouche à oreille, l’opinion publique.
Et pour cause, quand le Web est bouillonnant pour un personnage politique, que ce soit en bien ou en mal, la notoriété de cette marque (personnelle/politique) augmente et son aura aussi. Peu importe ce qui se dit, cela s’oublie au profit d’un ancrage inéluctable de la marque, ses icônes et ses symboles.
La communication est loin d’être une science exacte certes, mais son efficacité est question d’éloquence, de stratégie et de budget !
Le Digital est un « media » payant
Suites aux changements d’algorithmes qui favorisent de plus en plus la portée payante, les annonceurs (ici les partis) doivent payer plus s’ils veulent être visibles sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche.
Durant les dernières élections, des sommes considérables ont été dépensés par certains partis politiques sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook. Des influenceurs ont aussi été mis à contribution à travers des vidéos (Stories sur Instagram).
Certains parmi eux ont même stimulé les débats et les discussions à travers leurs vidéos virales. Ce qui a fait jaser le web social et, par bouche à oreille, le hors web et les médias au profit des marques concernées par ces conversations.
Rien ne prouve que le digital détermine et agit directement sur la décision et l’acte de vote mais il reste un facteur d’influence important risquant de créer la différenciation et contribuer au résultat final.
Le digital faisant partie d’un tout, les partis auraient intérêt à penser à une stratégie complète : discours, promesse électorale, storytelling, médias, hors média, relation presse, street Marketing… car ce n’est pas le digital à lui seul qui risque de sauver la situation en cas d’absence de stratégie ou de cohérence.
Cela dit, ce n’est pas le digital qui est à blâmer en cas d’échec mais toute la stratégie à commencer par le produit : dans ce cas le programme, les personnes, les engagements. Sans oublier le passif qui joue un rôle prépondérant : est-ce que l’historique est bon ou pas bon (le cas du PJD qui malgré une forte présence dans le digital, usé par le pouvoir, n’a pu faire qu’une piètre performance est révélateur).
La faiblesse du discours et la disparition des « légions digitales » du parti de la lampe, pourtant réputées redoutables, explique partiellement la dégringolade spectaculaire de islamistes. En somme, cette débâcle est due à l’usure, l’essoufflement du parti ainsi que l’impopularité et le quasi-mutisme sur les réseaux sociaux.
Ce n’est donc pas la communication digitale qui le plus pesé sur les résultats des élections mais le vote sanction. Force est de constater que les moyens traditionnels, surtout dans les milieux ruraux et les zones urbaines dite populaires, ont été fortement déployés par les partis politiques. Malgré un contexte sanitaire tendu, les partis n’ont pas hésité à recourir aux rassemblements, imprimés et autres supports non digitaux.
Le Digital, ce « canal » impitoyable !
On le sait depuis Obama, le Digital est un espace d’influence par excellence où des idées fusent de part et d’autre, se font une concurrence des plus rudes, luttent contre intox et fake news. Peu d’entre elles triomphent, d’autre meurent à jamais. Car le digital est impitoyable, l’info peut soit devenir virale soit, selon les dires de Henry Jenkins, disparaître à jamais.
S’il est encore loin de constituer un levier majeur de communication politique, le digital, avec sa diplomatie twitter et sa forte influence sur l’opinion représente des atouts considérables.
A noter enfin que l’innovation, et aussi la créativité, n’a pas été au rendez-vous des campagnes électorales laissant place au mimétisme et à la banalité. Or des sommes faramineuses ont été dépensées sur les réseaux sociaux, en sponsoring Facebook notamment (réseau le plus peuplé par les Marocains, suivi par Instagram, Twitter étant toujours élitiste).
On a ainsi vu passer et repasser des affiches anodines et des vidéos banales (filmiques ou en motion design) avec comme point commun le slogan en guise de promesse électorale.
Tout cela ne nous a pas empêché de voir des flyers, des tonnes de flyers, finir dans nos rues et nos poubelles. Des parades de Street Marketing et des moyens classiques ont été déployés dans nos villes et campagnes pour la plupart improvisées et dénuées de toute stratégie et de toute pertinence.
Une réalité laissant présager le fait qu’un niveau élevé de maturité digitale est encore loin d’être atteint mais que nous sommes en piste pour monter en gamme lors des échéances électorales à venir.