Le Soft Power, ou “la guerre” aux yeux doux

Parler du soft power ne veut pas dire forcément faiblesse. C’est une démarche qui repose sur l’attraction en utilisant le modèle culturel ou politique.

Le soft power se définit par la capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs (menace ou emploi de la force), procédés qui relèvent pour leur part du hard power, ou pouvoir de contrainte.

Joseph Nye, Sous-Secrétaire d’État sous l’administration Carter, puis Secrétaire adjoint à la Défense sous celle de Bill Clinton, avance la notion de soft power dès 1990 dans son ouvrage “Bound to Lead”. Depuis, il ne cesse de promouvoir et affiner ce concept en particulier en 2004 dans son autre livre, “Soft Power : The Means to Success in World Politics”.

Parler du soft power ne veut pas dire forcément faiblesse. C’est plutôt une démarche efficace qui repose sur l’attraction en utilisant le modèle culturel ou politique, ou en s’appuyant sur des stéréotypes favorables capables d’influencer les autres nations et les amener à épouser l’agenda politique du pays et sa vision diplomatique.

Soft power : Les dimensions à prendre en compte

En 1990, Nye expliquait qu’il y a trois piliers fondamentaux à prendre en compte dans une démarche de soft power à savoir l’attraction culturelle, l’idéologie et les  institutions internationales. En 2006, il a légèrement ajusté les termes caractérisant ces ressources dans l’article “Think again : Soft power”.

Il s’exprime alors dans les termes suivants : “le soft power d’un pays peut provenir de trois ressources : sa culture (dans des lieux où il est attractif pour les autres), ses valeurs politiques (quand il le respecte chez lui et à l’étranger) et ses politiques étrangères (quand elles sont considérées comme légitimes et ayant une autorité morale)”.

En 2008, le Chicago Council on Global Affairs a effectué une étude sur le soft power en Asie. Dans cette étude, il a évalué les indices dans cinq domaines du soft power, à savoir économique, culturel, capital humain, diplomatique et politique.

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Des nations engagées dans le soft power

Il va sans dire que les États-Unis, berceau de la notion du soft power, représente un exemple efficace de ce pouvoir aux yeux doux. La culture et le mode de vie américains, l’American way of life, largement diffusés par le cinéma (Hollywood) et la télévision (séries), sont devenus une référence pour l’essentiel de la population mondiale.

Les industries culturelles américaines sont fortement exportatrices et dominent l’essentiel des marchés mondiaux. Le soft power américain passe aussi par le biais des aides humanitaires aux pays les plus pauvres. Cette aide est parfois publique, d’origine gouvernementale, mais aussi souvent privée.

Beaucoup de milliardaires américains mettent en œuvre des fondations philanthropiques, organisations non gouvernementales à but caritatif. La Fondation Bill et Melinda Gates, par exemple, fondée en 1994 par le créateur et l’ancien patron de Microsoft se consacre à l’aide humanitaire dans le domaine de la santé et de l’éducation.

Aux côtés des États-Unis, d’autres nations se sont également distinguées dans leurs démarches relatives au soft power, à savoir la Chine en Asie, et la France en Europe.

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Le cas de la Chine

La Chine, au-delà de sa puissance économique, a compris que la démarche du soft power est indispensable pour embellir son image et accroître la notoriété et le rayonnement de sa culture et de son système politique. Plusieurs spécialistes s’accordent à dire que la stratégie soft power chinoise repose sur deux piliers majeurs, à savoir le contrôle de l’image et la puissance économique.

Le contrôle de l’image de la Chine passe d’abord par une maîtrise de la chaine des informations diffusées à l’échelle locale. En effet, la Chine filtre tout ce qui est publié sur la presse locale et censure les réseaux sociaux en développant des applications alternatives 100% chinoises.

La Chine profite aussi de sa force économique et se présente comme une puissance économique incontournable. Pour eux, tout le monde a besoin de la Chine.

Le volet culturel est aussi présent dans le soft power chinois à travers le financement des organisations comme les Instituts Confucius et les centres d’apprentissages gratuits de la langue chinoise un peu partout dans le monde.

La Chine n’hésite pas aussi à octroyer des prêts avantageux pour de nombreux pays pour le financement des projets structurants relatifs à différents secteurs d’activité.

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Le cas de la France

La France jouit d’une attraction culturelle et est considérée comme le pays le plus visité au monde devant l’Espagne, les États-Unis et la Chine. C’est pour cette raison que la diplomatie culturelle occupe une place importante dans la stratégie du soft power français.

Par le nombre de ses centres culturels et de ses Instituts français, par ses centres de recherche et les antennes de ses agences, la France se place en tête des pays qui disposent d’un véritable réseau culturel global.

Bien avant l’apparition du concept du soft power, la France a su mettre en place des mécanismes efficaces pour promouvoir sa culture à l’échelle mondiale en utilisant les canaux artistiques, linguistiques et universitaires. La langue française est une arme efficace utilisée par la France pour son soft power. Ce n’est pas pour rien que Paris abrite le siège de l’Organisation Mondiale de la Francophonie (OMF) et de l’Académie française.

Le soft power français repose également sur une influence exercée sur les instances internationales. Il suffit de souligner que la France héberge les sièges de l’UNESCO et de l’OCDE.

Au-delà de l’aspect culturel, la France utilise aussi son poids économique pour asseoir son soft power. Le travail fourni par les entreprises françaises, présentes dans les quatre coins du monde, représente une extension du pouvoir souple de la France.

Soft power, hard power et smart power

Pour conclure, il faut dire qu’il n’existe pas une formule magique du soft power. Chaque pays doit diagnostiquer les ressources dont il dispose et déceler les éléments culturels, politiques et économiques qui constituent son soft power.

C’est sur cette base que les pays peuvent élaborer des moyens d’actions qui leur conviennent le plus.

Il faut dire aussi que l’efficacité du soft power d’un État est également liée à la puissance de celui-ci. La notion de smart power est ainsi parfois employée pour évoquer les effets d’une combinaison utile entre soft power et hard power.

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Mustapha Meloui
Mustapha Meloui

Président de l’Observatoire Marocain de la Souveraineté Numérique (OMSN). Spécialiste en veille stratégique et communication d’influence.

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