Avouons-le : depuis l’arrivée de ChatGPT, notre quotidien professionnel a radicalement changé. Fini les longues heures passées à rédiger des briefs interminables ou à peaufiner des plans marketing. Désormais, un simple prompt bien formulé, et hop ! Le tour est joué. Et si nous étions en train de vivre la fin d’une ère ? Celle de l’effort intellectuel authentique.
La tentation de la facilité
L’autre jour, un collègue m’avoue avoir demandé à ChatGPT de rédiger l’intégralité de ses emails de la journée. « C’est fou, me dit-il, je gagne un temps monstre ! ».
Certes, mais à quel prix ? Car si l’IA nous fait gagner en productivité – jusqu’à 40% selon une étude récente – ne risque-t-elle pas aussi d’atrophier notre créativité ? C’est un peu comme ces micro-influenceurs qui, malgré leur petite communauté, génèrent plus d’engagement que les méga-stars justement parce qu’ils prennent le temps de créer du contenu authentique et personnalisé.
En effet, selon les résultats d’une étude menée par trois universités américaines sur le modèle GPT-4 d’OpenAI (Harvard Business School, Harvard, Massachusetts Institute of Technology et Wharton Business College), l’IA générative permet effectivement d’améliorer significativement la productivité des employés de plusieurs façons :
- La qualité du travail s’est améliorée de 40%.
- Les employés ont pu accomplir en moyenne 12,2 tâches supplémentaires.
- Le temps d’exécution des tâches a été réduit de 25%.
Cette étude a comparé deux groupes : l’un travaillant avec l’assistance de GPT-4 et l’autre sans IA. Un point particulièrement intéressant est que les employés qui avaient initialement les performances les plus faibles ont connu la plus forte amélioration après avoir commencé à utiliser l’IA, agissant ainsi comme un « niveleur de compétences »
Ces résultats sont corroborés par une autre étude récente menée par Zoom, qui révèle que 84% des dirigeants ont constaté une amélioration de la productivité après l’intégration de l’IA générative dans leur organisation.
La paresse créative, nouveau mal du siècle ?
Les chercheurs Noy et Zhang (2023) ont mis le doigt sur un phénomène intéressant : lorsque nous travaillons aux côtés d’une machine ultra-performante, nous avons tendance à réduire notre niveau d’engagement mental. En clair, nous nous reposons sur notre assistant virtuel comme sur un oreiller un peu trop confortable.
À force de déléguer notre réflexion, ne risquons-nous pas de devenir de simples opérateurs de prompts ?
Mais voilà le paradoxe : alors que ChatGPT peut effectivement nous aider dans une multitude de tâches – de la traduction à la correction en passant par le brainstorming – il reste fondamentalement un outil de prédiction textuelle. Il n’a ni conscience, ni créativité propre. C’est un peu comme avoir un assistant très doué mais qui ne fait que réarranger les meubles déjà présents dans la pièce.
Et c’est là que ça devient intéressant : plus nous utilisons l’IA, plus nous devons être créatifs dans notre façon de l’utiliser. Un peu comme un chef d’orchestre qui doit savoir tirer le meilleur de chaque instrument.
Vers une utilisation créative de l’IA ? L’humain au coeur de la machine
Le véritable danger ne réside peut-être pas tant dans l’utilisation de l’IA que dans notre propension à lui déléguer notre réflexion. J’ai récemment assisté à une conférence où un intervenant a avoué utiliser ChatGPT pour générer ses présentations PowerPoint. La salle a ri. Mais derrière ce rire nerveux se cachait une réalité troublante : sommes-nous en train de devenir les assistants de nos assistants ?
La solution ?
Peut-être faut-il envisager ChatGPT comme un amplificateur de créativité plutôt qu’un substitut.
J’ai personnellement adopté la « règle des 50% » : utiliser l’IA pour accélérer les tâches répétitives, mais garder la main sur tout ce qui touche à la créativité et à la stratégie.
Prenons une analogie avec le monde de la photographie : Instagram a démocratisé les filtres et les effets, rendant chacun « photographe ». Mais les vrais artistes se distinguent toujours par leur vision unique, leur capacité à capturer l’instant décisif. Il en va de même avec l’IA : ce n’est pas l’outil qui fait l’artiste, c’est la vision.
Ce qui me fascine le plus, c’est peut-être cette révolution silencieuse qui s’opère dans nos métiers. Comme les artisans qui ont dû s’adapter à l’arrivée des machines pendant la révolution industrielle, nous devons aujourd’hui repenser notre rapport au travail intellectuel. Non pas en résistant au changement, mais en l’embrassant de manière réfléchie.
Alors non, ChatGPT ne nous rend pas nécessairement paresseux. Il nous pousse plutôt à repenser notre façon de travailler. C’est un peu comme l’arrivée de la calculatrice : elle n’a pas rendu les mathématiciens obsolètes, elle leur a permis de se concentrer sur des problèmes plus complexes.
L’enjeu n’est donc pas de résister à l’IA, mais d’apprendre à danser avec elle. Et si possible, de mener la danse. Après tout, comme le disait un de mes collègues l’autre jour : « ChatGPT, c’est comme un stagiaire très doué : il faut savoir quoi lui demander, mais surtout quoi garder pour soi. »
Et vous, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous déjà tombé dans le piège de la facilité artificielle ? Ou avez-vous trouvé votre propre équilibre entre productivité augmentée et créativité préservée ? La réponse est peut-être dans la question elle-même : ce n’est pas l’outil qui nous rend paresseux, c’est la façon dont nous choisissons de l’utiliser.