10 faits insolites sur Casablanca, pour vous donner envie d’assister aux Journées du Patrimoine de Casablanca.
Dans quelques jours se tiendra à Casablanca la 10e édition des Journées du Patrimoine. Une initiative citoyenne, gratuite, ouverte à tous, organisée par l’association Casamémoire, avec le soutien de la Ville de Casablanca et la Région du Grand Casablanca, qui vous permettra de (re)découvrir le patrimoine casaoui sous de nouvelles facettes.
Cinq circuits de visite et des animations culturelles pour vous faire (re)découvrir le patrimoine casablancais
Du 9 au 13 mai, les habitants de la ville, touristes ou simples curieux pourront ainsi déambuler dans la ville blanche, et découvrir les personnalités qui ont construit, façonné et imprégné de leur histoire, voire de leur légende, le patrimoine casablancais, au gré des 5 circuits proposés :
- L’ancienne médina.
- Les Habous.
- Le Boulevard Mohammed V.
- La place Mohammed V (la Wilaya, le Tribunal, la Grande Poste et Bank al-Maghrib).
- Hay Mohammedi & Roches Noires.
Les écoliers auront droit à des visites guidées, des ateliers de photo, de dessin, de musique et de pâtisserie et surtout à une gigantesque chasse au trésor dans l’ancienne médina. La culture sous toutes ses formes sera au programme, inauguré par l’auteur-compositrice-interprète Oum qui animera le concert d’ouverture, lundi 9 mai, dans le jardin de l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca.
Le saviez-vous ?
Pour vous donner envie de participer aux Journées du Patrimoine de Casablanca, laissez-moi partager avec vous 10 informations inédites sur cette grande ville bruyante, vivante, moderne et colorée :
1/ Casablanca porte le nom d’une jeune femme !
Le saviez-vous ? Les historiens continuent de s’interroger sur l’origine du nom de Casablanca, Dar al Beida. Parmi les différentes options, l’une d’entre elles se développe autour de la koubba de Sidi Allal Al Kairouani. Vers 1340 arrive à Casablanca (qui s’appelait alors Anfa) de la ville sainte de Kairouan, en actuelle Tunisie, Sidi Allal al Kairouani. Le bateau qui l’emmène de Kairouan vers Saint-Louis du Sénégal fait naufrage au large de la ville. Unique rescapé, il regagne la rive à la nage et est recueilli par des pêcheurs qui, face à ce miracle, l’invite à rester. Quelques années plus tard, à la mort de sa femme restée à Kairouan, Sidi Allal demande à sa fille de le rejoindre à Anfa. Coup du sort, la jeune fille subit elle aussi un naufrage, au large d’Anfa, mais n’en réchappe pas. Sidi Allal demande alors aux habitants de la ville d’ériger un mausolée face à la mer, pour accueillir la sépulture de sa fille. Ce mausolée a rapidement pris le nom de Dar Al Beida (« la maison de la Blanche »), en hommage à la fille de Sidi Allal qui s’appelait… Lalla Beida. Le mausolée continue d’accueillir les pêcheurs de Casablanca, qui viennent invoquer la baraka de Sidi Allal.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Visiter le mausolée de Sidi Allal al Kairouni et de Lalla Beida dans l’ancienne médina.
2/ Casablanca, la ville aux 30 saints patrons
Personnages réels ou mythiques, les marabouts alimentent la mémoire de la ville blanche, qui abritent une trentaine de mausolées. Sidi Moumen, Sidi Bousmara, Sidi Bernoussi, Sidi Abderahmane, Sidi Fettah, Sidi Allal al Kairouani, Lalla Taja… Au milieu de ces saints patrons, j’ai une passion particulière pour Sidi Belyout. Connaissez-vous son histoire ? Il aurait vécu au XIe siècle. Déçu par la médiocrité des hommes, il se serait crever les yeux et aurait décidé de s’exiler dans les forêts qui bordaient alors Casablanca. On raconte qu’il avait un pouvoir de fascination sur les lions, qui gardaient son troupeau et le guidaient dans la forêt, d’où son surnom de « Père des Lions » (« abou louyout »). A la mort du grand homme, les lions vinrent déposer le corps de Sidi Belyout aux portes de la ville, et rugirent pour alerter les habitants qui érigèrent ensuite son mausolée devant Bab Erraha (actuel Boulevard Houphouët-Boigny). Une fontaine, l’Oued Bouskoura, coulait alors à proximité : on raconte que quiconque buvait de cette eau chargée de sortilèges ressusciterait à Casablanca.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Visiter les plus anciens mausolées de Casablanca dans la médina.
3/ Le triangle des grandes religions
Casablanca est une ville-monde. En l’espace de quelques dizaines de mètres, la médina de Casablanca accueille trois lieux de culte dédiés aux trois grandes religions. Avec la Mosquée Ould Hamra, la synagogue Ettedgui et l’Eglise San Buenaventura de los Franciscanos, c’est l’histoire de la cohabitation spirituelle qui se raconte. Plus ancienne église de Casablanca, maintenant désacralisée (elle est devenue une maison de quartier, dans laquelle sont proposées des activités culturelles aux enfants), l’église San Buenaventura fascine depuis 1881 par son architecture d’inspiration andalouse. Quelques mètres plus haut, la synagogue Ettedgui, récemment rénovée, donne à lire l’histoire du Mellah et de la communauté juive de Casablanca. Enfin, la mosquée Ould Hamra, érigée en 1880 sous Moulay Hassan Ier, séduit avec le charme minimaliste de ses tuiles vertes et de ses zellijes.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Découvrir le triangle monothéiste de l’ancienne médina de Casablanca.
4/ Le Centre-Ville, laboratoire de l’architecture art déco
Long de 1,2 km et large de 18 m, le Boulevard qui relie l’ancienne Place de France (aujourd’hui Place des Nations-Unies) à la Gare Casa-Voyageurs fut autrefois l’avenue la plus luxueuse de la ville et le centre de l’activité commerciale. Avec ses encadrements sculptés, ses panneaux de zelliges verts et jaunes, ses fontaines et ses claustras façon moucharabieh, le marché central constitue un magnifique lieu de promenade, de restauration et de shopping. Avec les immeubles Transatlantique, Assayag, Martinet, Glaoui, Maret ou Villas-Paquet, construits à partir des années 20, Casablanca entre résolument dans l’ère de l’avant-garde. Ces immeubles proposent les dernières nouveautés en matière de confort (alors peu utilisés en Europe) : chauffage central, vide-ordures, monte-charges, ascenseurs, incinérateurs, réservoirs d’eau… Ces magnifiques immeubles sont surtout l’un des nombreux exemples du savoir-faire des maçons casablancais de l’époque.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Visiter les plus beaux immeubles du Boulevard Mohammed V et de la Place Mohammed V.
5/ Le Parc de la Ligue Arabe, le Central Park casaoui
Aujourd’hui, les seuls espaces libres dont dispose Casablanca se sont réduits à peau de chagrin : quelques avenues plantées du centre-ville et quelques parcs, dont le plus emblématique reste le Parc de la Ligue Arabe. Aménagé à partir de 1916 par l’architecte Laprade, sur le dessin de Jean-Claude Nicolas Forestier, sur les terrains occupés par les troupes du débarquement, au sud de la grande Place Administrative (Place Mohammed V), le parc se déploie sur 30 hectares et s’inscrit parfaitement dans la trame urbaine.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Participer à la visite guidée en vélo du Centre-Ville.
6/ Zerktouni, héros made in Casablanca de la résistance nationale
L’ancienne médina de Casablanca est un haut lieu de la résistance marocaine. Rue de Fès, la Maison Zerktouni abritait dans les années 40 les réunions des différentes cellules de résistants de l’ancienne médina. Le « jardin français » a pris le nom du grand résistant dans les années 60. Né en 1927 dans l’ancienne médina, Mohammed Zerktouni y devient petit épicier, puis imprimeur. Au sein de l’Organisation Secrète de la Résistance, il fonde les premières cellules clandestines. Adepte de l’action armée et de la guérilla urbaine, il organise une série d’attentats, de sabotages, de boycotts et de manifestations pour le retour du sultan alors en résidence surveillée en Corse puis à Madagascar. Capturé en juin 1954 par les autorités françaises, il préférera se donner la mort plutôt que de livrer ses compagnons d’armes sous la torture. Il avale une pillule de cyanure sur le chemin du commissariat où il allait être interrogé. Il meurt à son arrivée. Il avait 27 ans. Deux jours après son retour d’exil, le 18 novembre 1955, le futur roi Mohammed V ira se recueillir sur la tombe du résistant. Il décrètera alors cette date jour de la Résistance Nationale.
7/ Les Habous, médina fantasmée
La nouvelle médina du quartier des Habous a été érigée sous le Protectorat, dans la plus pure tradition orientaliste. Avec ses ruelles labyrinthiques, ses places ombragées d’arbres, ses recoins cachés, ses repaires d’antiquaires et son ancien foundouk, aux abords du Palais Royal, ce quartier fait la fierté des Casablancais, qui imaginent souvent ce havre de paix comme multi-séculaire. Joyau du quartier, la Mahkama du Pacha accueille aujourd’hui le siège de la Région Casablanca-Settat.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Visiter la Mahkama du Pacha. Se balader dans les ruelles des Habous pour en découvrir les plus beaux recoins.
8/ Les hôtels emblématiques de Casablanca
Il faudrait écrire une histoire de Casablanca à la lumière des hôtels emblématiques qui en ont fait la gloire. Hôtel Excelsior, Hôtel Candide, Hôtel Central, Hôtel d’Anfa, Hôtel Lincoln… Ces lieux de légende, dont certains sont aujourd’hui détruits, nous racontent tout autant l’histoire, l’architecture, le commerce, que les mœurs à Casablanca. L’Hôtel Excelsior fut ainsi le premier hôtel construit en dehors des remparts de la médina, entre 1914 et 1916. Il inaugure l’emploi du béton armé, matériau alors révolutionnaire, qui permettait de construire plus grand, et surtout plus haut. Sa brasserie va devenir le lieu de rendez-vous de tous les entrepreneurs de la ville, et l’hôtel va accueillir les pilotes de l’Aéropostale en escale à Casablanca, comme Antoine de Saint-Exupéry. Son style néo-mauresque incarne une architecture de fusion, où les influences européennes et marocaines se marient et se confondent.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Découvrir l’histoire passionnante et tourmentée de l’Hôtel Lincoln dans le circuit de visite du Boulevard Mohammed V (possibilité de visites nocturnes les 11 et 12 mai). Découvrir les toits de l’ancienne médina depuis la terrasse de l’Hôtel Central, dans l’ancienne médina.
9/ Le Père Jego, fondateur du football casablancais
Né en 1900 en Tunisie, mais originaire du Souss, Mohammed Affani Ben Lahcen, dit « Père Jégo » devient à partir de 1935 le premier journaliste sportif marocain. En 1937, il participe avec Haj Benjelloun Touimi à la création du WAC, dont il devient l’entraîneur principal. Le Club est fondé initialement comme un club de natation, après le refus des autorités françaises de permettre aux nageurs marocains l’entrée aux piscines casablancaises. Le nom du Club est un hommage au film « Wydad » avec Oum Kaltoum, que Benjelloun Touimi et le Père Jégo avaient vu au Cinéma Vox de Casablanca lors de sa sortie. En 1955, à la suite d’une brouille, le Père Jégo rejoint le RAJA (fondé en 1949) dont il va à son tour façonner l’identité. Fervent nationaliste, il a combattu l’emprise coloniale de l’intérieur, par le sport. Il a été le premier au Maroc à parler de plan de match, de formation, de tactique, de coaching.
A faire pendant les Journées du Patrimoine : Visiter Dar Benjelloun dans l’ancienne médina. Découvrir l’histoire de la création du Raja lors de la visite de Hay Mohammedi.
10/ Touria Chaoui : l’adolescente qui sillonnait le ciel
Née à Fès en 1936, Touria Chaoui est la première femme arabe, musulmane, africaine, à avoir obtenu sa licence de pilote en 1952, à l’école de pilotage de Tit Mellil. Elle avait alors 16 ans et fait la une des journaux marocains et étrangers. Elle s’attire la sympathie des organisations et personnalités féministes de l’époque, et est reçue très officiellement par le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef qui la félicite en personne. Parallèlement à son activité de pilote, Touria s’intéresse à la politique et milite pour l’indépendance du Maroc. Le 16 novembre 1955, au retour d’exil du sultan, Touria prend son avion pour lâcher des tracts indépendantistes sur Rabat. Elle est admirée par de nombreux Marocains et Marocaines, mais son statut de femme libre et son activisme politique lui seront fatals. Le 1er mars 1956, à quelques jours de l’Indépendance, Touria Chaoui est assassinée à Casablanca, devant la maison de ses parents, par un groupuscule extrémiste marocain. Elle avait 19 ans.