Quand j’étais plus jeune, mes parents se plaisaient à m’assurer que tous les drames sociaux que j’avais endurés au collège (j’étais vraiment hyper-sensible à l’époque 🤦) se biodégraderaient avec le temps. Après tout, je ne «reverrai plus jamais ces gens».
Mes parents n’avaient alors aucun moyen de savoir à quel point ce vieil adage allait devenir faux – non seulement pour moi, mais pour toute ma génération (et finalement, la leur).
Maintenant, dix ans plus tard, je suis amie sur Facebook avec d’anciens camarades de collège, des amis de prépa likent régulièrement des posts que je partage, et je vois passer les photos de collègues totalement perdus de vue qui vivent désormais dans des fuseaux horaires différents.
Vous êtes… ? Nous sommes amis sur Facebook !
En naviguant sur Facebook (je suis bien trop paresseuse pour maintenir un compte perso sur plus d’un réseau), je suis souvent étonnée du nombre d’amis que j’ai, que mes proches peuvent avoir, et je questionne de plus en plus la qualité de ces relations.
Bien sûr, l’égocentrique en moi est fière, ridiculeusement fière, de ces centaines de cyber-friends accumulés, mais le nombre, parfois, me met tout autant mal à l’aise.
En survolant ma liste de friends, j’ai ainsi découvert dans mes amis Facebook des semi-inconnus croisés une fois et avec lesquels j’ai échangé une carte de visite, quelques-uns auxquels je n’adresse même pas la parole dans la vraie vie, et bien sûr, des gens que je ne connais tout simplement pas, que j’avais probablement acceptés par curiosité ou pur exhibitionnisme (si si, ça m’arrive).
Rassurez-vous, j’y ai aussi découvert de vrais amis, de la famille, des collègues proches… mais j’ai à nouveau compris, plus que jamais, combien le terme «ami», à l’heure des réseaux sociaux, a muté en un vague synonyme de connaissance.
La grande majorité de vos amis Facebook n’en ont rien à faire de vous (mais rassurez-vous, c’est réciproque !).
Par l’entremise de ces «amis», je suis aujourd’hui au courant d’une montagne de mises à jour sur une variété de sujets : de l’actu nationale, des recommandations de films ou de musiques, des invitations à des événements, des coups de gueule et des coups de cœur. Ca m’intéresse un peu moins quand vous partagez la photo de vos repas ou de vos dessous-de-bras après la course, quand vous décollez et que vous atterrissez (c’est bon, j’ai compris, vous êtes important, vous voyagez…) même si j’admets que certaines personnes aiment ce genre d’approche de la vie quotidienne.
Et quand il m’arrive de liker l’un de vos contenus, je me demande souvent : je communique avec eux, mais sommes-nous vraiment amis ? Combien de mes «amis» sont véritablement intéressés par ce qui peut m’arriver, par ce que je peux raconter et partager ? De mon côté, est-ce que je connais vraiment ces gens ? Est-ce que je me soucie vraiment d’eux ? Quels étaient les critères qui m’ont fait accepter leur «amitié» (y-a-t-il d’ailleurs des critères ?) ou étais-je tout simplement programmée pour cliquer sur « approuver » ? Est-ce que les réseaux sociaux n’ont pas créé un besoin obsessionnel de rassembler autant de personnes que possible pour maintenir un certain statut ?
Je suis la première à affirmer que les réseaux sociaux ont été une aubaine (j’aurais tellement aimé être «amie Facebook» avec mon grand-père quand il était encore là) et, parce que nous sommes si connectés, les amitiés ne semblent plus susceptibles de disparaître, au gré des contraintes de lieu et de temps. J’ai eu l’occasion de lancer de nombreux appels sur Facebook, et mes «amis» ont répondu présent, mais je suis lucide : liker et commenter ne sont pas une façon saine et valable de nourrir mes amitiés.
Il serait scientifiquement impossible d’entretenir des relations avec plus de 150 personnes. Au-delà, notre cerveau ne suivrait plus. Ça ne nous empêche pas de collectionner les amitiés.
Alors que je suis en contact permanent avec tout le monde (et n’importe qui), mes parents, mes meilleurs amis, mes sœurs, mes collègues, mais aussi de parfaits inconnus, c’est de façon totalement superficielle. Les médias sociaux sont bien sûr un moyen pratique de capter un ami difficilement joignable, mais parfois tellement prise dans ma propre vie, je me prends à choisir la solution de facilité en laissant un gentil commentaire sous un post, alors que j’aurais probablement dû passer un coup de fil ou programmer une visite.
J’ai ainsi souvent le sentiment que les réseaux sociaux ont réduit nos interactions au plus petit dénominateur commun. Socialiser est devenu une corvée, et on se prend à substituer à un appel téléphonique un « happy b-day ! » sur Facebook ou Instagram. Devenir et être ami sont devenus des actes passifs. Sur Facebook, il est tout aussi facile de démarrer une relation que d’y mettre fin. Dans la vraie vie, quand une amitié se noue ou se rompt, ce sont des événements majeurs. Les amitiés, tout comme les relations amoureuses, nécessitent des efforts et des soins qui ne peuvent pas se satisfaire de virtuel.
Demande d’amitié acceptée.
Vous souvenez-vous de l’époque où il n’y avait pas de demandes d’amis ? Avant que des réseaux comme Facebook, Twitter ou Instagram ne nous donnent des amis ou des adeptes, l’interaction n’était pas si passive. Il fallait des efforts pour communiquer et se connecter.
Aujourd’hui, malgré ce que Mark Zuckerberg peut en dire, les réseaux sociaux ne remplacent pas les appels téléphoniques ou les week-ends ensemble, et compter sur Facebook pour rester connecté n’est pas un moyen durable de maintenir une amitié. Les relations les meilleures ne nécessitent pas une communication constante, mais une communication délibérée. Je ne suis pas encore parfaite sur ce point, mais j’y travaille, je fais mon maximum pour entretenir mes amitiés irréelles comme elles devraient l’être : dans la vraie vie. J’ai pour cela la chance d’avoir des amis très patients.
Hey, tu veux être mon ami ?
Il y a peu, un ami avec lequel je me suis sérieusement brouillée il y a plusieurs années m’a envoyé une invitation sur Facebook. J’ai compris qu’il essayait de voir, à la manière de Facebook (c’est-à-dire soft, non-conflictuelle, non-intrusive, légèrement passive) de voir si je serai à nouveau réceptive à une communication. Après réflexion, j’ai décidé d’ignorer sa demande d’ami.
S’il souhaite revenir dans mes bonnes grâces, qu’il le fasse à l’ancienne.
Qu’il m’envoie un email 😉