Tous les internautes naissent libres et égaux en droits. Enfin, pas si sûr…
Connaissez-vous la déclaration universelle des Droits de l’Homme ? Les principes fondamentaux en sont la liberté et l’égalité. La base théorique de la neutralité du Web se construit sur les mêmes principes afin d’assurer à tous les internautes un accès égal au réseau et de garantir un traitement égal à tous les contenus et flux de données publiés. Cela suppose que l’accès au Web n’est contrôlé ni par les gouvernements ni par les FAI (fournisseurs d’accès à Internet).
Pour un Internet ouvert, égal et accessible
Le principe de neutralité s’applique au Web plus qu’à n’importe quel autre média : dès son origine, le réseau a été pensé comme une structure ouverte, dans laquelle chacun pouvait y générer du contenu.
Dans les autres médias (ex : un journal, une chaîne de télé, une station de radio), celui qui possède l’outil créé le réseau et édite le contenu qui est sa propriété. Mais sur Internet, un FAI vend la connexion mais n’a pas de contrôle sur l’usage qui en est fait. Le principe de la neutralité du Web a été pensé pour préserver cette indépendance qui fait précisément l’originalité et la force du réseau : pas de place à la discrimination ou à la restriction.
Émetteur, récepteur, contenu
La neutralité du Web s’applique aux trois éléments qui structurent la communication :
- L’émetteur
- Le récepteur
- Le contenu
Autrement dit, tous les internautes ont droit à un accès équivalent au réseau et aucun site ne peut être traité de manière prioritaire. Exemple concret : l’accès au site officiel de la Maison Blanche n’a pas à être privilégié par rapport à l’obscur blog d’une adolescente bulgare.
La plupart des partisans de la neutralité du Web sont toutefois d’accord pour un contrôle des sites criminels (exemple : ceux présentant des contenus pédopornographiques). Ils souhaitent cependant que le blocage de ces sites soit décidé par un juge et non directement par la police ou les FAI.
Qu’est-ce qui menace la neutralité du Web ?
Avec l’augmentation des utilisateurs, et donc des contenus (notamment la multiplication du nombrede vidéos, format qui nécessite plus de bande passante qu’une simple page de texte), le Web risque d’arriver à saturation.
Comment faire pour éviter cet engorgement ?
- Améliorer l’infrastructure du réseau
Problème, personne ne veut payer le coût engendré. Les FAI considèrent que les sites les plus fréquentés doivent participer financièrement (Google, Facebook, YouTube) alors que ces sites pensent que les FAI n’investissent pas suffisamment dans le développement des infrastructures. Le serpent qui se mord la queue.
- Créer un Web à deux vitesses
Certains FAI aimeraient profiter de la saturation du réseau pour proposer des forfaits internet différenciés et plus chers qui assureraient un débit plus rapide en cas d’engorgement, et bloqueraient certains services concurrents (vidéo à la demande, téléphonie par Internet…). Ceux qui refuseraient de payer seraient soumis à des plafonds de consommation en cas d’embouteillage. Des pratiques en totale contradiction avec la neutralité du Web.
- Hiérarchisation des contenus
Certains gouvernements plaident pour une hiérarchisation des contenus : en cas de saturation du réseau, certains contenus devraient être traités de manière prioritaire (tels des ambulances nécessitant un trafic accéléré). Là encore un principe qui menace la neutralité du web.
Vers un Internet à deux vitesses ?
La bataille juridique fait rage aux Etats-Unis pour pallier l’absence de réglementation sur la neutralité du web. Mercredi 3 octobre dernier, la Cour d’appel du district de Columbia, a déclaré que la FCC (Federal Communications Commission), principal régulateur américain des télécoms et qui cherche à mettre un terme à la neutralité du web, avait le pouvoir légal d’abroger la neutralité de l’Internet aux Etats-Unis : les juges ont ainsi estimé que les Etats pouvaient promulguer leurs propres lois fédérales sur le sujet.
Un coup dur pour les activistes luttant pour la neutralité du Web, mais la Californie, fief des géants des nouvelles technologies et ouvertement anti-Trump, avait voté dès 2018 le maintien de la neutralité…
Quand la Covid remet au goût du jour le débat sur la neutralité du Web ?
La pandémie de Covid-19 a relancé le débat sur la neutralité du Web. Alors qu’une part importante de la population était confinée à la maison, le transfert de données a explosé. On s’est alors inquiété de la capacité des réseaux à assurer de tels transferts de données et questionné sur la conduite à tenir en cas de saturation du réseau : doit-on continuer à traiter tous les flux de données de manière équitable ? Par exemple, doit-on favoriser les applications de télétravail (Teams, Skype, Zoom) au détriment des applis utilisées pour les loisirs (Netflix, YouTube) ? Quels flux de données doivent être privilégiés : la télémédecine, la e-éducation ou les tchats ?
Cependant, les réseaux semblent avoir bon an mal an tenu le coup mais les difficultés économiques qui perdurent après la crise pourraient encourager des frais supplémentaires pour maximiser la couverture de leurs contenus. A suivre.